L’enlèvement, de Marco Bellochio

Après Marx peut attendre (2021), documentaire sur et avec la famille Bellocchio qui éclaire, en les citant directement à l’écran, les films de sa trilogie biographique (Les Poings dans les poches, 1965, Les Yeux, la bouche, 1982, Le Sourire de ma mère, 2002) et met en évidence, plus généralement, l’impact de cette histoire familiale dramatique sur la quasi-totalité de son œuvre, Marco Bellocchio réalise avec L’enlèvement un film qui imbrique magistralement la grande Histoire et l’histoire particulière d’une famille déchirée, le passé et l’actualité. L’enlèvement est en effet une condamnation sans appel de tout intégrisme religieux, et de l’intégrisme catholique … Lire plus

Une tribune passéiste et biaisée

La tribune publiée par un certain nombre de diplomates et anciens diplomates français, dans le Monde du 25 novembre 2023 au sujet de l’épouvantable guerre au Proche-Orient à tout pour intriguer. Les thèses qui y sont défendues ne sont pas nouvelles, et elles peuvent s’autoriser de faits, de réalités reconnus et qu’il est bien normal de déplorer comme le font ces diplomates, qui s’inscrivent dans une tradition française que vient d’illustrer Dominique de Villepin. Qui pourrait contester que le règlement du conflit « passe par une solution politique de la question palestinienne sur la base du droit international » ? Elles sont cependant énoncées sur un ton et avec des arguments qui appellent débat. Lire plus

Le dernier Guédiguian, joli film d’un autre temps

On trouvera dans le nouveau film de Robert Guédiguian, Et la fête continue !, tout ce qu’on trouve d’habitude et qu’on aime dans ses films : Ariane Ascaride, Jean-Paul Darroussin, une chronique familiale douce-amère, une touche arménienne, Marseille. On trouvera aussi l’engagement généreux, classique de la gauche d’autrefois, proche de ce que pouvait être les idéaux communistes au temps de l’Union de la gauche, au moins chez les militants de base – militant communiste tel que l’est resté le frère du personnage principal, bien conscient d’être parmi les derniers du genre. Ce personnage principal, c’est Rosa, infirmière ou médecin à l’hôpital … Lire plus

When Western young activists defend Hamas

When the horrible war in the Middle East is over, it will be time to analyze why part of the radical youth in Western countries, mainly in the US and the UK among students, but also sometimes in France, has shown itself so violently, so aggressively close to Hamas, and so deliberately hostile to Israel1In the Arab-Muslim world, hostility to Israel and empathy for Palestinian sufferings have other causes.. There is nothing in the lifestyle of these young people that would bring them close to an Islamist movement, and yet even some Queer groups have defended it adamantly. Hamas’s sadistic … Lire plus

Quand la jeunesse radicale en vient à défendre le Hamas

Quand l’épouvantable guerre au Proche-Orient se sera terminée, il faudra se demander pourquoi une partie de la jeunesse radicale du monde occidental, principalement dans les pays anglo-saxons parmi les étudiants, mais aussi parfois en France, s’est montrée si violemment, si agressivement proche du Hamas, et si délibérément hostile à Israël. Rien dans le mode de vie de cette jeunesse ne peut la rapprocher d’un mouvement islamiste, et pourtant même certains groupes Queer l’ont défendu bec et ongles. La cruauté sadique du Hamas lors de l’attaque du 7 octobre, sa profession de foi génocidaire n’ont pas empêché cette jeunesse de voir en ses combattants d’authentiques résistants à la colonisation israélienne. Elle n’a même pas réfléchi dans les termes du vieux débat sur la fin et les moyens (Lénine contre Camus) ; elle a pris fait et cause pour le Hamas, assimilé indûment à toute la cause palestinienne – alors qu’il en serait plutôt le fossoyeur. Lire plus

ANSELM. Le bruit du temps – Quand Wim Wenders filme Anselm Kiefer

ANSELM. Le bruit du temps est la dernière création de l’auteur des Ailes du désir (1987), qui reçut la Palme d’or en 1984 pour Paris, Texas, et fut dernièrement récompensé pour l’ensemble de son œuvre par le Prix Lumière à Lyon. Depuis le début du XXIe siècle, et après Pina (2011), consacré à la danseuse et chorégraphe Pina Bausch, Wim Wenders paraît plus inspiré par l’univers du documentaire que par celui de la fiction.  ANSELM. Le bruit du temps n’est toutefois réductible ni à ce terme, ni à ce genre. Par-delà l’intensité émotionnelle que dégage le film, par-delà la beauté à couper le souffle de l’image, le spectateur ressent la proximité qui unit le cinéaste de renommée internationale et son sujet, l’un des plus grands artistes plasticiens contemporains. Lire plus

La marche et au-delà

Quand il marchait, son corps était pris d’un léger balancement, étranger au mouvement naturel de la marche. C’était une oscillation régulière, presque imperceptible. Il tanguait. L’impression de se balancer était plus forte en fin de journée que le matin quand il partait au bureau – la fatigue, le relâchement sans doute ; le corps est moins discipliné vers 5 ou 6 heures du soir. Malheureusement, la fin de journée, c’est le moment où toute la ville sort en promenade, le moment où il redoutait le plus qu’on remarque sa drôle de démarche. Pour éviter le ridicule, il avait essayé de … Lire plus

L’égoïsme vertueux de Montaigne, ou la fabrique de l’esprit libéral

Voir en Montaigne un précurseur du mouvement que nous qualifions aujourd’hui de « libéral », c’est sans doute assumer à la fois un anachronisme et une ambivalence. Au 16e siècle, le terme de « libéral » renvoie non à une doctrine, mais à une qualité éthique que l’on nommerait aujourd’hui la générosité. Le terme de « libéral » ne désigne une position politique que depuis la fin du 18e siècle, avec Benjamin Constant et Germaine de Staël. Actuellement même, on ne s’entend pas vraiment sur le sens du terme, qui renvoie en France à un mouvement de pensée opposé aux formes jugées excessives de collectivisme, alors qu’au … Lire plus

Etre ou ne pas être ? Telle est la question Entre russité et russophobie

Dans un clin d’œil à Cioran, Diana Filippova signe un livre qui est une réaction aux événements majeurs de ces dernières années. Un cri du cœur, une réaction épidermique, dont la force est à la mesure du choc subi le 24 février 2022 à l’annonce de l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe. La sidération éprouvée à ce moment-là par tous ceux qui s’intéressent peu ou prou à ce pays gigantesque fut énorme. Pour l’auteur, ce fut un coup de tonnerre, dans la mesure où, arrivée en France à l’âge de sept ans, fin 1993, soit près de 30 ans plus tôt, elle n’avait eu de cesse de s’intégrer, de s’assimiler, d’oublier ses origines, voulant à tout prix devenir écrivain de langue française. La prétendue « opération militaire spéciale » déclenchée par Vladimir Poutine l’oblige à se rappeler, malgré elle, ses origines, et, partant, à réfléchir à ce qui définit son identité russe. Lire plus

Jean Widmer, le design discret et incisif

Rina Sherman, parlons d’abord de vous! Vous êtes connue comme l’auteur d’une thèse d’anthropologie, de travaux de recherche sur l’Afrique et la Namibie par exemple, et comme cinéaste, auteur de documentaires // Rina Sherman – Au conservatoire de musique de l’Université de Johannesburg, nous devions suivre deux années en arts et en sciences humaines ; j’avais choisi l’histoire de l’art et l’anthropologie. Notre professeur, David Hammond-Tooke, nous enseignait le système de pensée et l’organisation sociale des communautés bantoues d’Afrique Australe, et son jeune assistant, Johnny Clegg, nous initiait au rôle clef de la main d’œuvre noire dans l’économie minière internationale dans laquelle s’inscrivait l’Afrique du Sud. Lire plus