Traduire La fin de l’homme rouge

C’est très peu de dire que La fin de l’homme rouge, l’ouvrage de Svetlana Alexievitch sur la fin de l’Union Soviétique (prix Médicis de l’essai 2013), est un livre impressionnant et troublant, et qu’il ne se lit pas sans qu’on pense parfois à Dostoïevski et parfois au Shoah de Lanzmann, deux références qui ont compté pour Svetlana Alexievitch, nous dit-on. Il est difficile de mesurer la somme de douleurs que cette partie du monde a pu subir, et tout aussi difficile de comprendre pourquoi la Russie actuelle est parfois nostalgique de la séquence historique qui se clot avec la perestroïka1Il serait … Lire plus

Exposition : Masculin/Masculin, L’homme nu dans l’art de 1800 à nos jours

« Voilà. J’espère que vous avez fait le plein », glisse la conférencière d’un air mutin à un groupe de très dignes dames grisonnantes1Du sac à main de l’une d’elles, dépasse assez ostensiblement le numéro de la semaine d’un célèbre hebdo de centre-gauche, dont la « une » proclamait cette semaine-là aux … Suite… » dont un extrait en vidéo clôt l’itinéraire. Non loin, un couple homo, main dans la main, rêvasse devant La Douche.  Après la bataille d’Alexandre Alexandrovitch Deineka (1944), dérive inattendue du réalisme stalinien de guerre sur la pente savonneuse des amitiés viriles  où, nu de dos, un valeureux membre de l’Armée rouge … Lire plus

Assange et le courage peu ordinaire

Nous pouvons tous admirer les héros qui malgré la dictature, la violence cynique et parfois la torture ou la mort font entendre la voix de la conscience humaine : Jean Moulin, Victor Jara, ou aujourd’hui les rebelles syriens ou ces moines du Tibet qui s’immolent par le feu. Méritent aussi notre admiration ces personnes seules ou en tout petits groupes  qui, dans nos sociétés « libérales avancées », selon la vieille expression giscardienne, se séparent de la masse pour défendre le principe de liberté contre les manoeuvres du Pouvoir, et surtout si ce Pouvoir se veut légitime et bienveillant. Chacun avec son style, … Lire plus

Palmarès 2013 des films à dimension politique

Notre palmarès, injuste et sans esprit de sérieux, des films qui touchent des points sensibles de la vie politique, au sens large, du temps présent : 1.  La vie d’Adèle, Abdellatif Kéchiche (France) Saphisme et différences de classe 2.  Blue Jasmine, Woody Allen (US) Madame Madoff tente de survivre à  la crise financière 3.  Touch of Sin, Jia Zhang-ke (RPC) Révoltes chinoises dans un monde sans droit 4.  The  Immigrant, James Gray (US) L’immigration franco-polonaise d’hier et d’aujourd’hui 5.  Neuf mois ferme, Albert Dupontel (France) La magistrature dans tous ses états

Cinéma : Touch of Sin, la violence du chinois dans un monde sans droit

La critique cinématographique a encensé Jia Zhang-ke pour son Touch of  Sin (prix du scénario à Cannes), comme elle l’avait encensé pour The World (2002) et surtout Still Life (2006). Et il est vrai que Jia Zhang-ke fait preuve, dans Touch of Sin, d’un sens du récit, d’une précision dans la mise en scène et d’un talent de direction d’acteurs de tout premier ordre. En quatre histoires qui sont comme autant de nouvelles et qui ne cherchent pas à s’entrecroiser, Jia Zhang-ke dresse un portrait accablant de la Chine contemporaine – portrait qui n’est pas sans éclairer les faits divers atroces, … Lire plus

Égypte : violences et regrets

Ces dernières semaines, le degré d’intolérance et de rigidité des deux principales factions qui s’affrontent en Égypte s’est révélé consternant.  Dans toutes leurs prises de position, les deux camps ont adopté une attitude défensive, fermée, chacun refusant d’écouter l’autre. Les cœurs se sont durcis, les esprits se sont fermés, ce qui n’a pu que détériorer les relations encore davantage. Il n’y a vraiment pas de quoi  admirer ce que l’on appelle l’islam politique « modéré » et ses ramifications, partis ou mouvements, surtout ceux qui exercent le pouvoir. Leur discours est truffé de fatwas, de sermons et de justifications religieuses de politiques qui sont plus au service de leurs intérêts particuliers que de l’intérêt national … Lire plus

Paris-Douala-Santiago (1973)

Quarante longues années révolues déjà au compteur du temps qui passe et pourtant la marque de cette saison inaugurale d’une existence nouvelle reste intacte. C’était l’automne au pays de l’indocile Céline et du flamboyant Johnny Halliday. Le candide adolescent nanti du baccalauréat C qui débarqua à Paris un jeudi d’octobre 1973, le 3 précisément, lesté à son total insu de projections parentales en tant qu’aîné d’une progéniture, pour s’inscrire en ‘’Analyse économique et Gestion’’, UER 06, à Paris 1, ne pouvait aucunement se douter alors de ce qui l’attendait en quittant Douala par un vol régulier de la Camair encore … Lire plus

PS : les limites de la justice intuitive

Comme souvent, ce que décide le pouvoir socialiste paraît conforme à la justice intuitive, mais rapidement, se révèle un non sens dont il aurait pu se douter avec un peu de réflexion. Ainsi cette idée que le capital et le travail doivent être taxés de la même façon, qui a pour elle l’intuition « à revenu égal, fiscalité égale », et qui procède selon le bon mot de Karine Berger, « économiste » du PS, de l’ »égale dignité du travail et du capital ».  Les mesures inspirées par ce sens intuitif de la justice se sont révélées un non sens économique, et le gouvernement les … Lire plus

Camus et le cinéma

Si on le compare à d’autres écrivains de sa génération, Camus avait relativement peu à dire au sujet du cinéma. Certes, Camus était proche de l’actrice Maria Casarès, et il a effectivement commencé à travailler sur une adaptation cinématographique de La Princesse de Clèves pour Robert Bresson, et il est vrai que Jean Renoir lui a proposé de porter L’Étranger à l’écran, plusieurs années avant la version de 1967 signée par Visconti 1En mai 1954, Camus commença à écrire un scénario tiré de La Princesse de Clèves pour Robert Bresson. Dans une lettre à René Char, Camus se plaint de ce travail … Lire plus

La modernité sadique des cinéastes européens

Dans presque tous les films de Michael Haneke, un animal meurt à l’écran. Les protagonistes du Septième Continent (1989), son premier long-métrage, fracassent l’aquarium du poisson rouge familial, qui se tortille en s’asphyxiant sous nos yeux. Dans Funny Games (1997), tourné en allemand, les intrus BCBG qui terrorisent une famille dans leur maison en bordure de lac commencent par estourbir le berger allemand à coups de club de golf. « Bien sûr, précisait un jour Haneke dans une interview, dans mon film, je romps avec toutes les règles qui permettent au spectateur de rentrer chez lui heureux et satisfait. Il existe … Lire plus