Colette, l’été 14, « Les heures longues »

La nouvelle Saint-Malo, août 1914. La guerre ?… Jusqu’à la fin du mois dernier, ce n’était qu’un mot, énorme, barrant les journaux assoupis de l’été. La guerre ? Peut-être, oui, très loin, de l’autre côté de la terre, mais pas ici…. Comment imaginer que l’écho même d’une guerre pût franchir ces rochers, farouches uniquement pour que semblent plus doux, à leurs pieds, la vague, le gazon marin clairsemé, le chèvrefeuille, le sable gaufré par la petite serre des oiseaux…. Ce paradis n’était point fait pour la guerre, mais pour nos brèves vacances, pour notre solitude. Les récifs cachés sous la … Lire plus

« Quand je servais dans l’U.S. Army » : l’expérience du combat de 1945 à l’Irak

Ramiro G. Hinojosa, analyste en sciences politiques à Austin, Texas, a servi en Irak en 2006 et 2007 au sein de la 82ème Division aéroportée. Ndlr _____ Le 6 juin 2014  marque le 70ème anniversaire du D-Day, le déclenchement du débarquement allié, une opération colossale, écrasante, presqu’inimaginable à l’époque actuelle, qui conduisit à la mort de près de 1 500 Américains lors de la plus importante invasion aérienne, terrestre et navale de l’histoire militaire. Il n’est pour ainsi dire personne aux Etats-Unis dont la vie n’ait été ébranlée par la seconde conflagration planétaire. Entre 1941 et 1945, 18 millions de … Lire plus

Comment protéger Finkielkraut contre lui-même ?

Les auditeurs de l’émission Répliques, le samedi matin sur France Culture, sont probablement nombreux à s’inquiéter pour la santé mentale d’Alain Finkielkraut. Clair et cohérent quand il parle de littérature, il s’emballe, perd ses moyens et fait ressortir une structure mentale altérée dès qu’il parle d’immigration. L’émission du samedi 21 juin, avec l’économiste Olivier Pastré, probablement sidéré des âneries qu’il entendait, et Hervé Juvin, cet homme d’affaires essayiste qui ne dépasse jamais le niveau d’un salon réactionnaire du VIIème arrondissement ou de Versailles, en est un témoignage étonnant – et nous incitons nos lecteurs à le vérifier par eux-mêmes (lien … Lire plus

Gabriel Chevallier, l’été 14, « La Peur »

« Le danger de ces communautés (les peuples), fondées sur des individus caractéristiques d’une même sorte, est l’abêtissement peu à peu accru par hérédité, lequel suit d’ailleurs toujours la stabilité ainsi que son ombre. » Nietzsche « Le feu couvait déjà dans les bas-fonds de l’Europe, et la France insouciante, en toilettes claires, en chapeaux de paille et pantalons de flanelle, bouclait ses bagages pour partir en vacances. Le ciel était d’un bleu sans nuages, d’un bleu optimiste, terriblement chaud : on ne pouvait redouter qu’une sècheresse. Il ferait bon à la campagne ou à la mer. Les terrasses de café sentaient l’absinthe … Lire plus

Stefan Zweig, l’été 14, « Le Monde d’hier, Souvenirs d’un européen »

« Le lendemain matin en Autriche ! Dans chaque station étaient collées les affiches qui avaient annoncé la mobilisation générale. Les trains se remplissaient de recrues qui allaient prendre leur service, des drapeaux flottaient. A Vienne, la musique résonnait et je trouvai toute la ville en délire. La première crainte qu’inspirait la guerre que personne n’avait voulue, ni les peuples, ni le gouvernement, cette guerre qui avait glissé contre leur propre intention des mains maladroites des diplomates qui en jouaient et bluffaient, s’était retournée en un subit enthousiasme. Des cortèges se formaient dans les rues, partout s’élevaient soudain des drapeaux, s’agitaient … Lire plus

Jules Romains, l’été 14, « La victoire en chantant »

« Jamais tant d’hommes à la fois n’avaient dit adieu à leur famille et à leur maison pour commencer une guerre les uns contre les autres. Jamais non plus des soldats n’étaient partis pour les champs de bataille mieux persuadés que l’affaire les concernait  personnellement. Tous ne jubilaient pas. Tous ne fleurissaient pas les wagons, ou ne les couvraient pas d’inscriptions gaillardes. Beaucoup ne regardaient pas sans arrière-pensée les paysans qui, venus le long des voies, répondaient mal aux cris de bravade et saluaient un peu trop gravement ces trains remplis d’hommes jeunes. Mais ils avaient en général bonne conscience. … Lire plus

D’une guerre l’autre les privés dans le roman noir américain selon Donald E. Westlake (2)

L’une des scènes les plus étranges dans l’histoire du roman se déroule dans le dernier livre de Hammett, L’introuvable. Nick et Nora Charles se trouvent dans un speakeasy nommé le Pigiron Club, ils discutent avec le propriétaire, Studsy, un malfrat nommé Morelli et quelques autres personnes, quand le lecteur découvre la scène que voici : Un homme blond d’une grosseur colossale – si blond qu’il était presque albinos – qui avait été assis à la table de Miriam, s’approcha de nous et me déclara dans un filet de voix efféminé où je perçus des tremblements : « Alors, c’est toi qu’as dézingué … Lire plus

Algérie : « Ce pénible sentiment de honte » ou les effets moraux du pétro-populisme

Le texte que nous donne l’écrivain et journaliste algérien Kamel Daoud au sujet du peuple algérien est violent, amer. Il suit les débordements qui ont accompagné, il y a quelques semaines, un simple match de football, à Genève, entre l’Algérie et la Roumanie. D’abord publié dans Le Quotidien d’Oran, Kamel Daoud l’a ensuite diffusé sur sa page Facebook, le 7 juin dernier. Lire plus

Deux jours, une nuit – deux lectures

Les Frères Dardenne ont avec Deux nuits, un jour, sorti la semaine dernière, réussi un beau film, bien dans leur manière : intense, parfaitement construit et excellemment joué.  Marion Cotillard, qui illuminait The Immigrant de James Gray en prostituée polonaise, devient ici une ouvrière belge, Sandra, qui doit convaincre en un week-end ses collègues de l’aider à garder son travail. Pour cela, il leur faut renoncer à une prime de 1.000 euros. Le film est comme une fable moderne qui pourrait s’intituler L’ouvrière et son patron ou bien L’ouvrière et ses collègues. Comme les fables, le film se veut une leçon. … Lire plus

Comment et pourquoi réussissent les immigrés, le débat américain

Les débats sur l’immigration et sur le sort des minorités ethniques sont souvent aux États‑Unis plus vifs et plus intéressants que ceux que nous avons en France. Les situations sont, malgré des différences évidentes qui viennent de l’histoire et de la géographie, beaucoup plus proches qu’on ne le pense, et l’on s’épargnerait des échanges stériles et oiseux, dont le dernier numéro du Débat illustre bien les rhétoriques obligées (avec ces échanges si prévisibles autour du livre d’Alain Finkielkraut, notre Thilo Sarrazin, « L’identité malheureuse », et autour des thèses de la démographe Michèle Tribalat), si l’on prenait tout à la fois, comme aux États‑Unis sur ces questions, le parti de la vérification empirique, de l’analyse historique et de la liberté de propos. Lire plus