Traverser la Mangrove avec Maryse Condé

Le 2 avril à Montpellier, Samara, collégienne, était rouée de coups à la sortie de son établissement, et tombait dans le coma. Ce même jour, Maryse Condé, grande romancière francophone, s’éteignait à Apt. Simple hasard d’un triste calendrier. Mais peut-être aussi, alors que la nation vient de lui rendre hommage, invitation à aller chercher dans l’œuvre de cette dernière une lueur, sinon d’espoir, du moins de compréhension, à jeter sur la violence déchaînée autour de Samara. Or il est une de ses œuvres qui, à cet effort, se prête tout particulièrement : Traversée de la Mangrove (1989). Pour le professeur … Lire plus

Tolstoï et ses fables

Léon Tolstoï est connu pour sa production romanesque et, en particulier, pour ses très longs romans que sont Guerre et paix et Anna Karénine. Mais que sait-on de sa production pédagogique, alors qu’il avait ouvert une école sur sa propriété dans le but d’alphabétiser les enfants des paysans et qu’il avait écrit, pour ce faire, plusieurs ouvrages ? Les éditions Allia publient aujourd’hui, comme on l’a fait pour Ésope ou La Fontaine, l’intégralité des Fables de Tolstoï, c’est-à-dire toutes celles (89 au total) que contiennent les quatre Livres russes de lecture et dans l’ordre suivant lequel elles y apparaissent. Nous avons demandé à Jean-Pierre Pisetta qui vient d’en assurer la traduction du russe, traduction qu’il a agrémentée de dessins de son cru, de nous les présenter. Lire plus

Albert Camus dans Contreligne

L’Étranger, 1942-2012, avec des dessins de José Muñoz, Alice Kaplan, 24 juin 2012 Albert Camus, d’Alger à New-York, Alice Kaplan, septembre-octobre 2012 Camus et le cinéma, Philip Watts, septembre-octobre 2013 Meursault, contre-enquête » de Kamel Daoud, Alice Kaplan, 28 juin 2014 David Oehlhoffen, Albert Camus et Loin des hommes, Alice Kaplan, 15 janvier 2015 1914, suite et fin : Albert Camus, « Le premier homme », extrait, 5 mai 2015 Paris dans les Carnets d’Albert Camus, Alice Kaplan, 2 décembre 2016 L’Etranger ou les bienfaits de la guillotine, Stéphan Alamowitch, 15 février 2024 Illustration tirée de l’ouvrage de José Muñoz

L’Etranger ou les bienfaits de la guillotine

Difficile de lire ou de relire l’Etranger sans un sentiment de perplexité, de gêne qui vient rarement à la lecture des grands romans. Son héros n’appelle aucune sympathie ; sa psychologie profonde, ses actes sont peu compréhensibles ; il ne s’explique jamais – raison pour laquelle le roman a donné lieu à des commentaires si nombreux, si savants, et son personnage principal, Meursault, au premier chef.  Cependant il manque, même dans les ouvrages les plus intelligents écrits à son sujet, une idée qu’on voudrait avancer sans prétendre être un spécialiste de l’œuvre de Camus, loin de là, et sans avoir … Lire plus

Milan Kundera en contrechamp

Les réactions à la mort de Milan Kundera en France et en République tchèque ne sont pas sans créer une forme de dissonance cognitive. D’ordinaire, les intellectuels français pontifient sur la littérature et la politique d’Europe centrale en comprenant bien peu à l’Europe centrale en général et à la République tchèque en particulier. Cette fois-ci, c’est presque le contraire : non seulement les Français ont leur propre compréhension et interprétation de la vie et de la mort de Kundera, mais celle-ci est pleinement légitime, aussi légitime que celle des Tchèques. Reste que les deux parties ignorent les problématiques sous-jacentes et … Lire plus

Voyage d’hiver

Silence, il fait silence soudain, silence, ça fait tellement de bien, tout le monde sans doute est parti, c’est extraordinaire, d’un seul coup je me sens légère, je n’ai plus froid, je ne sens plus mon corps, c’est comme si je glissais, je ne marche pas, je glisse, je dois rêver, je glisse sur un lit de glace, c’est l’hiver, les lacs sont gelés, je n’ai jamais appris à patiner, mais je glisse sans patins, je n’ai plus froid, je n’ai plus peur, il y a une fine couche de neige, trop fine pour laisser des traces, je glisse à … Lire plus

Où en sommes-nous avec le passé simple ? Réponses de traductrices

À lire les romans étrangers traduits en français, on s’aperçoit que la traduction littéraire maintient l’usage du passé simple, temps qui a souvent disparu de la langue parlée et qui se fait rare dans la fiction contemporaine, au moins depuis l’Etranger de Camus. Le passé composé le remplace parce qu’il aurait une vivacité, une immédiateté, une simplicité que n’aurait pas le passé simple. Il semble que les règles d’usage en vigueur jusqu’au XIXème siècle soient désormais oubliées, et un certain arbitraire paraît aujourd’hui régner dans le choix entre passé simple et passé composé. La traduction littéraire évoluerait-elle sur ce point ?  … Lire plus

Colette et le cinéma

Colette connaissait bien et aimait les milieux du théâtre et du music-hall. On sait moins qu’elle eut une relation privilégiée avec le cinéma qui naissait à l’époque de ses débuts en littérature, en 1900.  Vous racontez qu’elle aime sincèrement le cinéma, qu’elle ne méprise pas comme d’autres écrivains de son temps, mais aussi qu’elle participe à la « fabrication » des films et à leur promotion commerciale du temps du cinéma muet puis du cinéma parlant. Lire plus

Le pèse-personne

Son médecin généraliste avait regardé ses analyses avec circonspection. Il le fit monter sur la balance. Une sorte de machine archaïque et grinçante en métal blanc, à la peinture écaillée. — Tu as pris un peu de poids, dis-donc. Six kilos depuis la dernière fois ! Lucas et son médecin se tutoyaient depuis une dizaine d’années. Le docteur Dubois, soixante-sept ans, avait vu les enfants grandir et partir de la maison. Il avait aussi suivi ses allergies au pollen, sa dépression pendant la crise de milieu de vie qu’ils avaient partagée, hors de toute déontologie. Lucas, avocat de profession, avait … Lire plus

Le retour de Francesco Jovine

Francesco Jovine avait disparu des lettres italo-françaises depuis vingt-cinq ans quand deux de mes étudiants, Coralie Gourdange et Piotr Verrezen, l’avaient remis à l’honneur en 2019 en publiant Les beaux rêves de Michele dans la revue Europe, traduction d’une de ses nouvelles tirée du recueil Ladro di galline (Voleur de poules), inédit en français. Sa dernière traduction remontait à l’an 1994 quand Fayard faisait paraître La maison des trois veuves. Sous ce titre était ainsi publié un recueil de nouvelles dans lequel l’auteur portait un regard enfin critique sur le fascisme qui, à ses débuts (ceux du fascisme et ceux du Jovine écrivain), ne l’avait pas laissé indifférent ou, dirait-on mieux, l’avait quelque peu intrigué. Lire plus