L’égoïsme vertueux de Montaigne, ou la fabrique de l’esprit libéral

Voir en Montaigne un précurseur du mouvement que nous qualifions aujourd’hui de « libéral », c’est sans doute assumer à la fois un anachronisme et une ambivalence. Au 16e siècle, le terme de « libéral » renvoie non à une doctrine, mais à une qualité éthique que l’on nommerait aujourd’hui la générosité. Le terme de « libéral » ne désigne une position politique que depuis la fin du 18e siècle, avec Benjamin Constant et Germaine de Staël. Actuellement même, on ne s’entend pas vraiment sur le sens du terme, qui renvoie en France à un mouvement de pensée opposé aux formes jugées excessives de collectivisme, alors qu’au … Lire plus

François Furet à contretemps

Voici un quart de siècle que François Furet (1927-1997) a disparu. L’abécédaire que propose opportunément Deborah Furet vient réveiller nos mémoires assoupies. Furet fut l’un des grands intellectuels français de la seconde moitié du siècle dernier, inlassable analyste de son temps à la lumière d’une histoire politique dont il fut l’un des plus subtils connaisseurs. Il en connut lui-même les tourments dès les années sombres. Spectateur engagé à la manière d’un Raymond Aron dont l’action et la pensée le marquèrent, Furet, à la différence de ce dernier, fut communiste dans les années 1950 avant d’engager une critique sans concession de toutes les contractures idéologiques qui accablèrent de plus en plus la gauche à la fin du XXème siècle et dont elle pourrait bien périr aujourd’hui. Sa mort coïncida presque avec l’effondrement d’une famille politique qui naquit sur les fonts baptismaux de la Révolution française, dont Furet fut aussi l’un des grands experts.

Cette fonction critique tournée vers sa propre sensibilité lui valut d’innombrables adversaires, à gauche, qui firent de lui l’un des responsables des « dérives libérales » dénoncées aujourd’hui par la « gauche radicale ». Lire plus

Essai : Alain Policar et le libéralisme substantiel

Alain Policar se propose dans ce livre très riche et stimulant de montrer que le libéralisme politique n’est en rien identique, ou fondé sur, le libéralisme économique qu’on lui associe le plus souvent, et qu’il est au contraire non seulement compatible avec les idéaux de justice sociale, de démocratie, de solidarité et d’universalité des droits, mais aussi qu’il est mieux à même de les promouvoir que d’autres doctrines telles que le républicanisme ou diverses formes d’égalitarisme. Il s’oppose en cela à la vulgate  – entretenue par la tradition marxiste et récemment défendue par des auteurs comme Jean Claude Michéa et … Lire plus