L’enlèvement, de Marco Bellochio

Après Marx peut attendre (2021), documentaire sur et avec la famille Bellocchio qui éclaire, en les citant directement à l’écran, les films de sa trilogie biographique (Les Poings dans les poches, 1965, Les Yeux, la bouche, 1982, Le Sourire de ma mère, 2002) et met en évidence, plus généralement, l’impact de cette histoire familiale dramatique sur la quasi-totalité de son œuvre, Marco Bellocchio réalise avec L’enlèvement un film qui imbrique magistralement la grande Histoire et l’histoire particulière d’une famille déchirée, le passé et l’actualité. L’enlèvement est en effet une condamnation sans appel de tout intégrisme religieux, et de l’intégrisme catholique … Lire plus

Le dernier Guédiguian, joli film d’un autre temps

On trouvera dans le nouveau film de Robert Guédiguian, Et la fête continue !, tout ce qu’on trouve d’habitude et qu’on aime dans ses films : Ariane Ascaride, Jean-Paul Darroussin, une chronique familiale douce-amère, une touche arménienne, Marseille, et bien sûr l’engagement généreux, classique de la gauche d’autrefois, proche de ce que pouvait être les idéaux communistes au temps de l’Union de la gauche, au moins chez les militants de base – militant communiste tel que l’est resté le frère du personnage principal, bien conscient d’être parmi les derniers du genre. Ce personnage principal, c’est Rosa, infirmière ou médecin à l’hôpital … Lire plus

ANSELM. Le bruit du temps – Quand Wim Wenders filme Anselm Kiefer

ANSELM. Le bruit du temps est la dernière création de l’auteur des Ailes du désir (1987), qui reçut la Palme d’or en 1984 pour Paris, Texas, et fut dernièrement récompensé pour l’ensemble de son œuvre par le Prix Lumière à Lyon. Depuis le début du XXIe siècle, et après Pina (2011), consacré à la danseuse et chorégraphe Pina Bausch, Wim Wenders paraît plus inspiré par l’univers du documentaire que par celui de la fiction.  ANSELM. Le bruit du temps n’est toutefois réductible ni à ce terme, ni à ce genre. Par-delà l’intensité émotionnelle que dégage le film, par-delà la beauté à couper le souffle de l’image, le spectateur ressent la proximité qui unit le cinéaste de renommée internationale et son sujet, l’un des plus grands artistes plasticiens contemporains. Lire plus

Le Frankenstein de l’atome : Oppenheimer et l’angoisse de la destruction créatrice

Sur le plan historique et dramatique, l’Oppenheimer de Christopher Nolan est un film riche, moralement complexe, psychologiquement sophistiqué, épiquement grandiose ; il est visuellement époustouflant, bien rythmé par une bande-son à couper le souffle, et il est extraordinairement bien interprété – un merveilleux mélange de science, de politique, de psychologie et d’art. Il pourrait remporter presque autant d’Oscars qu’il y eut de lauréats du prix Nobel parmi la myriade de scientifiques travaillant sous la direction de J. Robert Oppenheimer au projet Manhattan, dans la course à la bombe atomique entre le printemps 1942 et l’été 1945 – été 1945 au cours … Lire plus

Le Ciel rouge de Christian Petzold

Après Barbara (2012), Transit (2018) et Ondine (2020), Christian Petzold, sans doute le cinéaste allemand actuel le plus intéressant, réalise avec Le Ciel rouge (2023), Ours d’argent, Grand Prix du jury du festival de Berlin 2023, une œuvre d’une grande subtilité dont l’humour, le comique et l’insouciance idyllique du début cèdent peu à peu la place à la menace environnementale de prime abord peu alarmante, car distante. Ainsi s’éloigne progressivement la référence au long-métrage Pauline à la plage (1983) d’Eric Rohmer, l’un des metteurs en scène préférés du réalisateur allemand. L’œuvre de Petzold se distingue en effet par sa dimension écologique … Lire plus

Éric Rohmer, le Brexit et l’Angleterre

Éric Rohmer, ce n’était pas son vrai nom. Il nait Maurice Schérer, nom que sa mère lui maintint toute sa vie. Pour elle, Maurice était professeur dans un lycée à Paris, et elle n’a jamais su qu’il existait un Éric Rohmer, ni que son fils était un cinéaste de renommée internationale et un ancien rédacteur en chef des Cahiers du cinéma. Son cinéma, lui aussi, s’est fait dans l’effacement de soi. Rohmer idolâtrait André Bazin, l’influent théoricien du cinéma qui affirmait que le cinéma était « l’aboutissement dans le temps de l’objectivité photographique », que le film devait renoncer à l’artifice de … Lire plus

Météorite

Il est probable que ceux qui, voyant la bande annonce d’Asteroid City, se seraient attendus à ce que Wes Anderson, après avoir réalisé le très curieux French Dispatch, fasse un mélodrame romantique à la manière d’A l’est d’Eden, un drame à la manière des Misfits ou de Paris Texas, un western spaghetti dans le style Pour une poignée de dollars, une parodie de film pulp de science-fiction dans le genre de Mars Attacks, une comédie du désert comme Bagdad café , voire un dessin animé de Bip Bip dans le style de ses films d’animation comme Fantastic Mr Fox, seront … Lire plus

La Nuit du verre d’eau, de Carlos Chahine

Il serait dommage de passer à côté du beau film de Carlos Chahine, La Nuit du verre d’eau – premier film du cinéaste mais sans les défauts classiques des premiers films. Carlos Chahine, qui a quitté le Liban en 1975 lit-on sur son site, a une belle carrière d’acteur et de metteur en scène de théâtre en France, où il vit, et dans son pays natal1Voir son site.. Ceci explique cela probablement. En 1958, le Liban connait sa première crise politique depuis l’indépendance de novembre 1943. Nasser au nom du nationalisme arabe imagine d’unifier le Proche-Orient autour de l’Egypte, au … Lire plus

La Femme de Tchaïkovski, film misogyne

Dans la situation où se retrouve aujourd’hui la culture russe, ravagée par les oppositions politiques, éclatée par les exils et les existences semi-clandestines de ses meilleurs représentants, il  est difficile de porter un jugement sur un confrère de malheur. Mille données parasites viennent troubler la vision. Il est donc très difficile de parler de Kirill Serenbrennikov, un metteur en scène qui a dû passer par un procès en Russie, être assigné à résidence, privé de sa compagnie théâtrale, voué à l’exil, et qui doit composer maintenant avec un autre public et probablement puiser dans d’autres sujets. Pourtant la condition de Kirill Serebrennikov ne peut être comparée à celle des autres artistes russes non-officiels, tolérés à contre-cœur par le régime de Poutine (comme Alexandre Sokourov), mais également ignorés maintenant de grandes manifestations internationales. Lire plus

Colette et le cinéma

Colette connaissait bien et aimait les milieux du théâtre et du music-hall. On sait moins qu’elle eut une relation privilégiée avec le cinéma qui naissait à l’époque de ses débuts en littérature, en 1900.  Vous racontez qu’elle aime sincèrement le cinéma, qu’elle ne méprise pas comme d’autres écrivains de son temps, mais aussi qu’elle participe à la « fabrication » des films et à leur promotion commerciale du temps du cinéma muet puis du cinéma parlant. Lire plus