Bizet par lui-même

Pour tout compositeur français du dix-neuvième siècle, le prix de Rome de musique, institué en 1803, était presque un passage obligé, à plus forte raison pour ceux qui se destinaient à la carrière lyrique. Si Delibes et Saint-Saëns font exception, pour des raisons différentes l’un et l’autre, Berlioz, Gounod, Massenet et Debussy confirment la règle. Georges Bizet, brillant élève du Conservatoire où il était entré en 1848, quelques semaines avant son dixième anniversaire, ne pouvait que suivre lui aussi cette voie royale. Après une première tentative en 1853, à l’âge de 14 ans, puis un second prix en 1856, il remportait un premier grand prix l’année suivante avec la cantate Clovis et Clotilde. En décembre 1857, Bizet quittait donc Paris, sa ville natale, pour l’Italie, dont il ne reviendrait qu’en septembre 1860. Lire plus

L’objectivité, d’August Sander au selfie

Souvent chez moi, une exposition si riche soit-elle, laisse dans le souvenir, non pas les chefs d’œuvre ou les moments de haute intensité, en général dûment signalés par une signalétique savante, mais un truc un peu périphérique, un détail sur une toile, un objet, un à-côté. Je musarde en distrait, et je prends ce que mon attention vagabonde peut attraper. L’exposition, si stimulante, présentée au Centre Pompidou – Allemagne années 20, Nouvelle Objectivité, August Sander -, ne fait pas exception. Et pourtant combien de chefs d’œuvres ! A commencer par les fascinants portraits, réalisés par August Sander, poursuivant le projet un … Lire plus

Faut-il encore lire Louis Dumont ? Holisme, individualisme et démocratie

L’œuvre de Louis Dumont (1911-1998) demeure largement méconnue hors de l’anthropologie et des études indianistes, malgré son ampleur et son intérêt, et ce, en dépit des efforts du philosophe Vincent Descombes et de sociologues proches de ses travaux, comme Irène Théry ou Alain Ehrenberg. Pourtant, le «holisme méthodologique» de Dumont, porté par certains concepts spécifiques comme «hiérarchie de valeur», «totalité» ou «individualisme», contribue à porter un regard original sur l’idéologie moderne dans son ensemble, et la démocratie libérale en particulier. Lire plus

Du pacifisme au réarmement : une Allemagne toujours suspecte

Quand l’Allemagne traînait les pieds pour s’investir militairement au nom de l’Europe dans les conflits mondiaux, on la critiquait. On critiquait la tiédeur de son engagement au Mali, en Afghanistan, ou ailleurs. On se moquait, il y a peu de temps encore, des fusils d’assaut qui ne tirent pas droit, des chars, des navires de guerre ou des avions non opérationnels de la Bundeswehr. C’était en 2018-19. Depuis la Ministre Annegret Kramp-Karrenbauer a cherché à agir pour améliorer la performance de l’armée allemande, pour la rendre efficace, c’est-à-dire capable de défendre le pays (discours du 3 février 2020), en réclamant 4,5 milliards d’Euro, alors que seuls 330 millions avaient été prévus. Lire plus

Elie Barnavi et les confessions d’un bon à rien

Le titre de l’ouvrage, Confessions d’un bon à rien, est trompeur car à la vérité le bon à rien Elie Barnavi s’avère un observateur lucide et remarquablement informé de l’histoire européenne et israélienne de ces 50 dernières années. Bref un bon élève ! Car le fil conducteur de l’ouvrage est bien entendu son rapport très particulier à sa double identité, israélienne et européenne. De ce point de vue et on y reviendra, ses analyses sur l’Europe sont très pénétrantes et assez éloignées de fait du prêchi prêcha européiste habituel. Elie Barnavi est un homme de gauche, il le dit et le redit. Lire plus

Morand et la Collaboration

Paul Morand

« Morand n’a pas été collaborateur », écrivait à peu près en 1986 à l’auteur de ces lignes une personne dont l’écrivain avait été proche et qu’avait alarmée le titre d’une conférence donnée à l’Alliance française de Baltimore. Il est vrai que dans les trois dernières décennies de sa vie, quand on l’interviewait, Morand prenait soin de minimiser son rôle durant l’Occupation, s’excusant tout au plus d’avoir été un piètre diplomate et assurant ses interlocuteurs, s’agissant de l’extermination des Juifs, « on ne savait rien ». Or, une fois précisé que lui-même préférait le terme « collaborationniste », on verra à la lecture de ce Journal … Lire plus

Richard Malka et le droit d’emmerder Dieu

Il n’est pas habituel de rédiger intégralement sa plaidoirie, et moins encore de la publier après l’audience, d’autant que les magistrats préfèrent aujourd’hui les observations de 20 ou 30 minutes et qu’on réponde à leurs questions, ce qui oblige à sortir de la rhétorique ordinaire. C’est moins vrai pour l’instant devant les juridictions pénales, et spécialement devant les cours d’assises. Dans sa forme traditionnelle, avec sa durée, ses périodes, la plaidoirie s’y pratique encore. Quand l’affaire a marqué l’époque, ce qui n’arrive pas souvent, la plaidoirie vient proposer au tribunal, au-delà des faits, une interprétation, une moralité à l’intention du … Lire plus

Revisiter l’orientalisme : la présentation de l’art chinois à la création du Musée Guimet

Musée Guimet

La France est l’un des pays européens qui a la plus longue et la plus riche histoire en matière d’échanges artistiques et culturels avec la Chine. Le XIXe siècle correspond en effet à une période particulière, marquée par la découverte, l’impérialisme et la multiplication des contacts culturels. Le Musée Guimet, le plus célèbre musée des arts asiatiques en France, fondé par Emile Guimet (1836-1918), est le fruit de ce contexte historique. Alors que les visiteurs se bornent à apprécier le contenu du musée, une certaine tradition universitaires s’attache aujourd’hui à replacer ce type de musées dans le contexte de l’impérialisme … Lire plus