La Gauche de gouvernement et son équation impossible

A Créteil le 10 juin dernier, les socialistes qui refusent la radicalisation à laquelle La France Insoumise invite la gauche ont pu se compter. Autour de Bernard Cazeneuve, en présence de François Hollande… La salle était pleine, et l’écho médiatique a certainement convaincu les présents que leur démarche était attendue, espérée même. Au même moment, la presse rapporte que l’influence de Jean-Luc Mélenchon sur la NUPES est plus forte que jamais, avec noyautage du mouvement par d’authentiques trotskystes du Parti ouvrier européen, tout à sa botte, dans un gauchisme qui  condamne le mouvement à la marginalité, quoi qu’en pensent ses … Lire plus

Un illibéralisme de centre-droit au Conseil constitutionnel

Ces deux derniers jours, la décision du Conseil constitutionnel a donné lieu à un certain nombre de débats qui voient thèses et antithèses se répondre dans une chorégraphie prévisible : décision de pur droit / décision de convenance politique, juges indépendants / juges soumis…. Elle masque que les questions sont d’abord mal posées. Il faut vraiment venir de la Lune aujourd’hui pour soutenir que le politique et le juridique sont deux ordres séparés, et venir de Mars pour imaginer qu’ils sont confondus. Les choses sont plus complexes. Mais c’est, ce 16 avril, oublier l’essentiel, et qui est ceci : le Conseil … Lire plus

Néo-communisme et social-écologie

Dans son célèbre ouvrage de 1928 sur le socialisme, le sociologue Durkheim l’opposait au communisme de façon radicale. Le communisme, dit-il, consiste dans une excommunication des fonctions économiques, et c’est par cette tendance qu’il se définit, alors que le socialisme au contraire tend à les intégrer plus ou moins étroitement dans la communauté humaine. Le communisme tient tout entier dans un sursaut de la conscience morale abstraite, note-t-il, qui n’est d’aucun temps, ni d’aucun pays, et qui conteste les conséquences morales de la propriété privée en général. Il ne s’occupe qu’accessoirement des arrangements économiques proprement dits et ne les modifie … Lire plus

François Furet à contretemps

Voici un quart de siècle que François Furet (1927-1997) a disparu. L’abécédaire que propose opportunément Deborah Furet vient réveiller nos mémoires assoupies. Furet fut l’un des grands intellectuels français de la seconde moitié du siècle dernier, inlassable analyste de son temps à la lumière d’une histoire politique dont il fut l’un des plus subtils connaisseurs. Il en connut lui-même les tourments dès les années sombres. Spectateur engagé à la manière d’un Raymond Aron dont l’action et la pensée le marquèrent, Furet, à la différence de ce dernier, fut communiste dans les années 1950 avant d’engager une critique sans concession de toutes les contractures idéologiques qui accablèrent de plus en plus la gauche à la fin du XXème siècle et dont elle pourrait bien périr aujourd’hui. Sa mort coïncida presque avec l’effondrement d’une famille politique qui naquit sur les fonts baptismaux de la Révolution française, dont Furet fut aussi l’un des grands experts.

Cette fonction critique tournée vers sa propre sensibilité lui valut d’innombrables adversaires, à gauche, qui firent de lui l’un des responsables des « dérives libérales » dénoncées aujourd’hui par la « gauche radicale ». Lire plus

Milorad Dodik, notre agent à Banja Luka

Milorad Dodik vient, en octobre 2022, de remporter les élections en Republika Srpska, cette République serbe de Bosnie qui est l’une des trois entités à caractère régional qui composent la Bosnie-Herzégovine. Cette victoire est discutée puisqu’il est accusé d’avoir volé des votes. Il s’est positionné comme un agent d’influence de Moscou, et adopte une position pro-russe sans équivoque. Le tissu très fragile de l’État de Bosnie-Herzégovine risque une nouvelle fois de se déchirer. Pour le monde occidental, dans la première moitié des années 1990, Sarajevo est devenu un symbole de souffrance et de résistance car la ville était encerclée par … Lire plus

Comment la gauche a perdu la raison

Jules Adler

L’évolution politique et intellectuelle (mais à gauche les deux sont souvent liées) d’une partie non négligeable de la gauche ne cesse de poser question. En effet, on n’est plus en présence d’idées qui peuvent être contestables mais qui sont assises sur un corpus doctrinal solide (comme l’était le marxisme) mais le plus souvent d’élucubrations pseudo-savantes, avec parfois des emprunts à des courants racialistes qui étaient, jusque-là, l’apanage de l’extrême droite.

Renaud Dély nous décrit tous les symptômes de cette dérive, et il le fait en homme de gauche mais en homme de gauche qui n’a pas renoncé à l’idée de progrès. Car c’est là la thèse de l’auteur : la gauche a renoncé à son héritage des lumières, elle a tourné le dos au progrès et à l’universalisme.


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« Les Murs Blancs » – Réflexions sur un courant de pensée disparu

Etrange livre en vérité que ces « Murs Blancs » ! On peut d’abord ne retenir de ce récit que la fascinante relation d’une tentative de vie commune (toute relative d’ailleurs) d’une poignée d’intellectuels réunis autour d’Emmanuel Mounier pour créer un lieu de vie personnaliste. Les auteurs, année après année, nous relatent les hauts et les bas de ce fameux bâtiment, les grands moments qui débordent ce seul cadre local et irriguent la vie intellectuelle du pays, mais aussi les problèmes quotidiens, les inimitiés qui ponctuèrent aussi la vie aux Murs Blancs. Le miracle, si l’on peut dire, est, que malgré des relations … Lire plus

Où l’on voit que le Front républicain passe désormais par la droite, plus par la gauche

A maints égards, la situation politique française est désespérante. La gauche de gouvernement s’est dissoute, son corps central rejoignant le mouvement de Jean-Luc Mélenchon dans l’anti-libéralisme de combat et l’opposition rageuse au président nouvellement élu, parfois par conviction, parfois par opportunisme électoral. Le ralliement et le soutien à la NUPES de nombreux maires socialistes de grandes villes montrent bien que la stratégie d’Olivier Faure ne relevait pas du coup de dé d’un politicien sans aveu. Dans une partie de l’électorat socialiste et dans la jeunesse de gauche en général, il existe une aspiration au changement social et à la radicalité politique, au nom desquels tout le reste passe à la trappe, jusqu’à l’Ukraine et au clientélisme communautaire de La France Insoumise. C’est le même ressort qui a poussé Jeremy Corbyn à la tête du Labour en Grande-Bretagne. Lire plus

Belgrade, Džordža Vašingtona

L’extrême droite serbe, déjà radicalisée, semble échapper à tout contrôle. A une échelle sans précédent, des graffitis représentant des photos ou le nom de Ratko Mladić sont tagués à la bombe sur les murs de Belgrade. La plupart des gens semblent ignorer cette vénération ouverte pour celui qui a été surnommé le boucher de Srebrenica. Ce sont dix-neuf graffitis le long de la rue centrale Džordža Vašingtona de Belgrade, entre les angles des rues Takovska et Cetinska, dix-neuf graffitis glorifiant Ratko Mladić en nom ou en image sur quelques centaines de mètres, dix-neuf que j’ai vus et documentés, soit une glorification du boucher de Srebrenica tous les 30 mètres environ – et je suis sûr que j’en ai manqué, peut-être même inconsciemment. Le visage de Mladić suffit à me mettre en colère. Lire plus

Faut-il encore lire Louis Dumont ? Holisme, individualisme et démocratie

L’œuvre de Louis Dumont (1911-1998) demeure largement méconnue hors de l’anthropologie et des études indianistes, malgré son ampleur et son intérêt, et ce, en dépit des efforts du philosophe Vincent Descombes et de sociologues proches de ses travaux, comme Irène Théry ou Alain Ehrenberg. Pourtant, le «holisme méthodologique» de Dumont, porté par certains concepts spécifiques comme «hiérarchie de valeur», «totalité» ou «individualisme», contribue à porter un regard original sur l’idéologie moderne dans son ensemble, et la démocratie libérale en particulier. Lire plus