Éric Rohmer, le Brexit et l’Angleterre

Éric Rohmer, ce n’était pas son vrai nom. Il nait Maurice Schérer, nom que sa mère lui maintint toute sa vie. Pour elle, Maurice était professeur dans un lycée à Paris, et elle n’a jamais su qu’il existait un Éric Rohmer, ni que son fils était un cinéaste de renommée internationale et un ancien rédacteur en chef des Cahiers du cinéma. Son cinéma, lui aussi, s’est fait dans l’effacement de soi. Rohmer idolâtrait André Bazin, l’influent théoricien du cinéma qui affirmait que le cinéma était « l’aboutissement dans le temps de l’objectivité photographique », que le film devait renoncer à l’artifice de … Lire plus

L’air de rien, la banalisation du Le Penisme

Nous nous permettons de reproduire notre échange avec le Directeur de la rédaction de la Revue du vin de France, quand nous nous inquiétions de la mise en valeur, sans autre forme de procès, d’une parlementaire Le Peniste, louée pour son sérieux et son engagement aux cotés des vignerons, sa compétence… Chacun jugera. St. Alamowitch Message initial, 29 mars 2023 De : Stéphan Alamowitch A : Denis Saverot, Dir. de la rédaction de la Revue du vin de France Objet : Article FN Monsieur, Lecteur depuis plusieurs années de la Revue du vin de France, je ne m’attendais pas à trouver dans vos … Lire plus

1917 : l’année ou Barrès cessa d’être antisémite

Quelle étrange destinée, en effet, que celle de Barrès ! Voici un de nos plus grands écrivains aujourd’hui presque totalement oublié, à peine édité, l’écrivain maudit par excellence. Admiré par Blum et Aragon, estimé par Jaurès, il s’est métamorphosé en maître à penser de cette fameuse idéologie française théorisée par Bernard-Henri Lévy et contextualisée par Zeev Sternhell. Le jeune député boulangiste qui se proclamait volontiers socialiste-nationaliste, n’est-il pas, dès lors, l’inventeur du fascisme ? Alors que d’autres écrivains moins talentueux et plus marqués politiquement ont intégré la prestigieuse collection La Pléiade (On pense ici évidemment à Drieu la Rochelle), Barrès en est toujours exclu, ce qui ne manque pas d’interroger. Pauvre Barrès ! Et de surcroît, il a choisi le mauvais camp : celui de l’antidreyfusisme, théorisant par là même un nationalisme fortement teinté d’antisémitisme. La cause est entendue, n’en jetez plus Lire plus

Un illibéralisme de centre-droit au Conseil constitutionnel

Ces deux derniers jours, la décision du Conseil constitutionnel a donné lieu à un certain nombre de débats qui voient thèses et antithèses se répondre dans une chorégraphie prévisible : décision de pur droit / décision de convenance politique, juges indépendants / juges soumis…. Elle masque que les questions sont d’abord mal posées. Il faut vraiment venir de la Lune aujourd’hui pour soutenir que le politique et le juridique sont deux ordres séparés, et venir de Mars pour imaginer qu’ils sont confondus. Les choses sont plus complexes. Mais c’est, ce 16 avril, oublier l’essentiel, et qui est ceci : le Conseil … Lire plus

La Femme de Tchaïkovski, film misogyne

Dans la situation où se retrouve aujourd’hui la culture russe, ravagée par les oppositions politiques, éclatée par les exils et les existences semi-clandestines de ses meilleurs représentants, il  est difficile de porter un jugement sur un confrère de malheur. Mille données parasites viennent troubler la vision. Il est donc très difficile de parler de Kirill Serenbrennikov, un metteur en scène qui a dû passer par un procès en Russie, être assigné à résidence, privé de sa compagnie théâtrale, voué à l’exil, et qui doit composer maintenant avec un autre public et probablement puiser dans d’autres sujets. Pourtant la condition de Kirill Serebrennikov ne peut être comparée à celle des autres artistes russes non-officiels, tolérés à contre-cœur par le régime de Poutine (comme Alexandre Sokourov), mais également ignorés maintenant de grandes manifestations internationales. Lire plus

La difficile question des réparations de guerre –  À propos des Conséquences économiques de la paix, de John Maynard Keynes

C’est en novembre 1919 que John Maynard Keynes, peut-être l’un des économistes les plus célèbres du XXème siècle, remit à son éditeur le manuscrit de son ouvrage The Economic Consequences of the Peace.  Les thèses de ce livre, qui porte essentiellement sur les réparations allemandes d’après-guerre et, plus généralement, sur le traitement de l’Allemagne lors de la Conférence de paix de Paris de 1919, ont été maintes fois commentées et discutées au cours des cent dernières années, notamment lors de l’ascension économique et militaire de l’Allemagne sous le régime national-socialiste, au sujet des origines de la Seconde Guerre mondiale, puis … Lire plus

De la Finance verte au monde des cryptos

Au moment de la grande crise financière de 2008 et dans les quelques années qui ont suivi, la mode était de critiquer la finance dérégulée et sa préférence pour la spéculation conduite sans considération de l’économie dite « réelle ». La Finance, disait-on, devait devenir sage, voire ennuyeuse. Etaient discrédités les montages financiers trop compliqués, éloignés de l’économie réelle et souvent ésotériques, parfois sciemment conçus pour être incompréhensibles, parmi lesquels la titrisation, cette technique de division des risques qui a en réalité permis la dissémination des subprimes dans toute la finance mondiale. Cette critique n’est pas restée sans effet : les régulateurs ont imposé … Lire plus

La concentration dans le monde du livre

C’est un livre bref mais touffu que publie Jean-Yves Mollier, l’historien bien connu de la Presse et de l’Edition. La concentration en cours dans le monde du livre, et l’on pense au rapprochement chaotique d’Editis et du groupe Hachette, choque à très juste titre aujourd’hui, mais elle fait oublier que la concentration n’est pas un phénomène nouveau dans ce secteur industriel. Depuis la fin du XIXème siècle, les maisons d’édition se rapprochent les unes des autres, s’absorbent, dans des processus de concentration horizontale (on rachète son concurrent) ou de concentration verticale (on rachète une société de distribution, un réseau de … Lire plus

François Furet à contretemps

Voici un quart de siècle que François Furet (1927-1997) a disparu. L’abécédaire que propose opportunément Deborah Furet vient réveiller nos mémoires assoupies. Furet fut l’un des grands intellectuels français de la seconde moitié du siècle dernier, inlassable analyste de son temps à la lumière d’une histoire politique dont il fut l’un des plus subtils connaisseurs. Il en connut lui-même les tourments dès les années sombres. Spectateur engagé à la manière d’un Raymond Aron dont l’action et la pensée le marquèrent, Furet, à la différence de ce dernier, fut communiste dans les années 1950 avant d’engager une critique sans concession de toutes les contractures idéologiques qui accablèrent de plus en plus la gauche à la fin du XXème siècle et dont elle pourrait bien périr aujourd’hui. Sa mort coïncida presque avec l’effondrement d’une famille politique qui naquit sur les fonts baptismaux de la Révolution française, dont Furet fut aussi l’un des grands experts.

Cette fonction critique tournée vers sa propre sensibilité lui valut d’innombrables adversaires, à gauche, qui firent de lui l’un des responsables des « dérives libérales » dénoncées aujourd’hui par la « gauche radicale ». Lire plus

Le temps qui dessaisit la justice – A propos de l’Eloge de la prescription de Marie Dosé

Le petit livre que vient de publier Marie Dosé, Eloge de la prescription, ne surprendra pas. Cette avocate pénaliste bien connue conteste le recul de la prescription et son discrédit public, faits marquants d’une évolution de la justice pénale en direction des victimes, longtemps reléguées aux marges des procédures et qui en deviennent le centre. On le sait, dans la procédure pénale contemporaine, la prescription est contestée en ce qu’elle offrirait aux auteurs de crimes et délits une échappatoire trop commode, et priverait les victimes d’un accès au tribunal qu’on ne saurait leur retirer. Lire plus