Eddy Bellegueule et la sociologie

C’est un livre remarquable, impressionnant même que vient de livrer un normalien de 21 ans. Il n’est pas dans les habitudes de cette revue de s’occuper de romans contemporains, mais pour ce texte, il faut écarter le principe de prudence et en souligner la dimension socio-politique. En finir avec Eddy Bellegueule est, vu de loin, l’équivalent de Guillaume et les garçons, à table, le film de Guillaume Gallienne, à cela qu’il ne concerne pas la bonne bourgeoisie mais le milieu des sous-prolétaires semi-ruraux de Picardie, et qu’il est dans l’ordre littéraire bien supérieur à ce qu’était ce film dans l’ordre … Lire plus

Au cinéma, la fin des petits couples ?

La France est un vieux pays de conformisme conjugal, familial, conformisme qui agrémente et à bien des égards dissimule une réalité plus complexe – tout naturellement plus complexe.  Le montrent bien Neuf mois ferme et Les garçons et Guillaume, à table!, deux films récents qui ont le point commun de concerner la bourgeoisie la plus traditionnelle, celle qui en partie, dans une lutte contre le temps, a cru bon de se mobiliser contre le mariage pour tous. Neuf mois ferme Neuf mois ferme met en scène Ariane Felder, juge d’instruction ambitieuse et vieille fille coincée que le scénario n’a pas le … Lire plus

Le droit, Ulrich Beck et l’Europe

C’est un livre curieux et peu convaincant que vient de publier le sociologue allemand Ulrich Beck, agrémenté d’une préface aimable et banale de Daniel Cohn-Bendit (l’Europe, l’Europe….). Ulrich Beck est un sociologue de grande réputation, et la relative médiocrité de son livre a de quoi étonner. Médiocrité qui vient d’abord du fait qu’il manque, fait étrange pour un ouvrage de sociologue, sinon de vraies analyses du moins des aperçus intéressants sur la dimension sociale de la crise européenne : rien sur les forces politiques, les hommes, la femme, qui en Europe et en Allemagne en particulier gèrent cette crise, et … Lire plus

Traduire La fin de l’homme rouge

C’est très peu de dire que La fin de l’homme rouge, l’ouvrage de Svetlana Alexievitch sur la fin de l’Union Soviétique (prix Médicis de l’essai 2013), est un livre impressionnant et troublant, et qu’il ne se lit pas sans qu’on pense parfois à Dostoïevski et parfois au Shoah de Lanzmann, deux références qui ont compté pour Svetlana Alexievitch, nous dit-on. Il est difficile de mesurer la somme de douleurs que cette partie du monde a pu subir, et tout aussi difficile de comprendre pourquoi la Russie actuelle est parfois nostalgique de la séquence historique qui se clot avec la perestroïka1Il serait … Lire plus

Exposition : Masculin/Masculin, L’homme nu dans l’art de 1800 à nos jours

« Voilà. J’espère que vous avez fait le plein », glisse la conférencière d’un air mutin à un groupe de très dignes dames grisonnantes1Du sac à main de l’une d’elles, dépasse assez ostensiblement le numéro de la semaine d’un célèbre hebdo de centre-gauche, dont la « une » proclamait cette semaine-là aux … Suite… » dont un extrait en vidéo clôt l’itinéraire. Non loin, un couple homo, main dans la main, rêvasse devant La Douche.  Après la bataille d’Alexandre Alexandrovitch Deineka (1944), dérive inattendue du réalisme stalinien de guerre sur la pente savonneuse des amitiés viriles  où, nu de dos, un valeureux membre de l’Armée rouge … Lire plus

Palmarès 2013 des films à dimension politique

Notre palmarès, injuste et sans esprit de sérieux, des films qui touchent des points sensibles de la vie politique, au sens large, du temps présent : 1.  La vie d’Adèle, Abdellatif Kéchiche (France) Saphisme et différences de classe 2.  Blue Jasmine, Woody Allen (US) Madame Madoff tente de survivre à  la crise financière 3.  Touch of Sin, Jia Zhang-ke (RPC) Révoltes chinoises dans un monde sans droit 4.  The  Immigrant, James Gray (US) L’immigration franco-polonaise d’hier et d’aujourd’hui 5.  Neuf mois ferme, Albert Dupontel (France) La magistrature dans tous ses états

Cinéma : Touch of Sin, la violence du chinois dans un monde sans droit

La critique cinématographique a encensé Jia Zhang-ke pour son Touch of  Sin (prix du scénario à Cannes), comme elle l’avait encensé pour The World (2002) et surtout Still Life (2006). Et il est vrai que Jia Zhang-ke fait preuve, dans Touch of Sin, d’un sens du récit, d’une précision dans la mise en scène et d’un talent de direction d’acteurs de tout premier ordre. En quatre histoires qui sont comme autant de nouvelles et qui ne cherchent pas à s’entrecroiser, Jia Zhang-ke dresse un portrait accablant de la Chine contemporaine – portrait qui n’est pas sans éclairer les faits divers atroces, … Lire plus

Exposition : Roy Lichtenstein à Paris

« Ne pas franchir – Do not cross », indiquent tout au long du parcours de l’exposition les mentions au sol, façon « limite de confidentialité » dans une banque, ce qui n’empêche pas l’alarme de couiner assez régulièrement les jours de grande affluence dès qu’un visiteur franchit la ligne radar qui le rapproche des œuvres.  De l’aveu d’un membre du personnel du Centre Georges-Pompidou, « On n’a jamais vu une expo aussi surveillée, on aurait dû mettre à l’entrée un panneau Souriez, vous êtes filmé ! ».  Et de désigner les cimaises, où effectivement, parmi les projecteurs, une batterie … Lire plus

Paris-Yale : le jeu des différences

Au moment où le campus américain devient une référence dans le grand débat sur l’enseignement supérieur en France,  notre ami Bruno Cabanes, Associate Professor au Département d’Histoire de Yale University, a bien voulu se livrer à une comparaison.  Il s’agit de vraies notes de terrain, par l’un des plus brillants spécialistes de l’histoire culturelle de la guerre et de la Grande Guerre, sur sa vie d’enseignant  au sein de la “Ivy League.” Un événement imprévu survint en cours d’année 2004: un poste s’ouvrait à Yale sur l’histoire sociale et culturelle de la guerre. À l’occasion d’un colloque en Belgique,  un … Lire plus

Brooklyn, une passion française

De même qu’un logement dans le 6ème arrondissement ou un verre à la terrasse du Flore ne sont plus aussi chics qu’autrefois, il semble que le Upper West Side cher à Woody Allen ou même le East Village de Patti Smith soient passés de mode. L’imaginaire français a traversé un pont, le pont de Brooklyn. On l’a remarqué tout au long de l’été 2013.  Signes distinctifs de la mode Brooklyn, cuvée parisienne :  tel bar de la rive gauche annonce en vitrine que leur bière provient du « Brooklyn Brewery» ; un parfum 1910 s’échappe d’ampoules filament carbone (dites « ampoules Edison »),  des carrelages métro.  … Lire plus