Droit dans ses bottes et bien à droite

Si le nouveau Premier ministre peut sembler sympathique, parce qu’il est jeune, souriant et homosexuel, ce qui témoigne d’une évolution heureuse de la société française, deux des mesures qu’il a annoncées lors de son discours à l’Assemblée nationale sont de sa part étonnantes, et même choquantes1.

Lutter contre le chômage de longue durée et celui des seniors en particulier mérite les applaudissements. Mais le faire en les privant d’une allocation de solidarité spécifique, de l’ordre de 600€ par mois, pour les transférer vers le régime du RSA, c’est pauvre du point de vue moral comme du point de vue de la réflexion économique. L’allocation de solidarité spécifique a le tort aux yeux de Gabriel Attal de permettre aux chômeurs seniors de valider des trimestres de retraite sans travailler, à la différence du RSA, qui lui en plus est associé depuis novembre 2023 à des travaux obligatoires de 15 heures par semaine. L’État veut s’assurer que le chômage de longue durée reste pénalisant, et qu’en aucun cas, ces chômeurs ne seront tentés de se complaire dans cette situation.

La mesure serait acceptable si elle était inscrite dans une politique plus globale pour la promotion de l’emploi des seniors auprès des entreprises, mais cet aspect-là manque précisément. Il est pourtant  notoire que les entreprises se débarrassent des seniors qu’elles emploient, d’ailleurs à des conditions coûteuses pour la collectivité, et rechignent à recruter les personnes de plus de 50 ans. Cette vision du chômeur âgé en homo economicus, auquel il faut infliger des pénalités financières pour qu’il revienne dans le droit chemin, est si bourgeoise, si conformiste…

Était-ce urgent ? Était-ce essentiel ? On serait curieux de lire le prochain papier d’Esther Duflo sur cette réforme. Elle plaira aux lecteurs du Figaro et aux membres du Rotary-Club.

De la même façon, deuxième réforme annoncée, inclure les logements dits intermédiaires dans la loi SRU2, afin que les villes loin de remplir leurs quotas atteignent les objectifs légaux de logements sociaux, relève de l’escroquerie intellectuelle. C’est un artifice comptable qui prive la loi de son effectivité. Parions qu’il s’agit d’une main tendue aux municipalités de droite, elles qui en ont souvent contesté le principe et les conséquences. La mesure a été annoncée en même temps qu’un prétendu choc d’offre dans la construction immobilière, mais l’on sait que la construction est entravée par des contraintes foncières et administratives qui rendent l’idée de choc très optimiste, pour ne pas dire illusoire.

Que ces deux mesures aient pu être imaginées si vite après la désignation du Premier ministre témoigne qu’elles étaient en gestation dans les bureaux. Elles augurent mal de la liberté d’appréciation et de mouvement de Gabriel Attal. La technostructure, dont le Président de la République est la pointe émergée, produit toujours de la norme orléaniste, néolibérale. Elle le fait sans imagination sauf quand il faut viser un objectif de tactique politique et ouvrir la majorité présidentielle vers la droite. Alors, l’imagination revient d’un coup.

Nicolas Tisler

Notes

Notes
1Déclaration de politique générale du 30 janvier 2024.
2Loi Solidarité et renouvellement urbain de décembre 2020 qui a imposé un minimum de 20% de logements sociaux dans certaines zones urbaines.
Partage :