Faut-il regretter la politique internationale de Donald Trump ?

Espérons que Donald Trump occupera bientôt les historiens du XXIème siècle, et eux seuls, et cessera d’être un sujet pour les rubriques de quotidiens. Il reste que sa politique internationale, malgré au moins trois failles majeures, avait le mérite de défendre des idées essentielles qui risquent d’être oubliées.

S’agissant de ces trois défauts majeurs, nommons-les pour se convaincre qu’il n’y a pas lieu de regretter son départ : Donald Trump en refusant, tout d’abord, le multilatéralisme au nom d’une conception puérile de la souveraineté a négligé les institutions internationales, ce qui a permis à la Chine de peser davantage, au mépris du but affiché de réduire l’influence chinoise. Donald Trump, comme le Parti Républicain, s’est ensuite entêté dans une posture climato-sceptique qui n’a aucun sens, et qui a motivé des décisions, aux Etats-Unis, de nature à causer de vrais préjudices écologiques. Quant à ses positions à l’égard de la Russie, enfin, elles sont apparues souvent troublantes – euphémisme.

Mais au-delà de ces failles, certes majeures, et si on laisse de côté la politique menée au Moyen-Orient qu’il est encore difficile d’évaluer, Donald Trump a eu au moins un mérite. Tout d’abord, rappeler à l’Allemagne que sa contribution aux dépenses militaires occidentales est insuffisante au regard de ses moyens budgétaires et des responsabilités qui viennent de sa puissance économique, n’atteignant toujours pas les 2% promis dans le cadre de l’OTAN  – soit le même ordre de grandeur que la France mais avec un contexte économique et budgétaire beaucoup plus favorable. Ensuite, la critiquer pour sa complaisance mercantile envers la Chine, pur produit de ses intérêts de grande puissance exportatrice.

Sur ce  point, il est parfaitement exact que le récent traité commercial signé en décembre 2020 entre l’Union européenne et la Chine1, juste à la fin de la présidence allemande du Conseil de l’Union européenne, aurait gagné à être discuté avec la nouvelle administration américaine, puisque la concertation est censée redevenir la norme des relations transatlantiques. Sa signature aurait surtout dû être mise en balance avec ce que l’on apprend sur le génocide dont sont victimes les ouïgurs, sans parler de la situation de Hong-Kong et de Taïwan. Si les droits de l’homme ne font pas une politique, il faut le reconnaître, la protection de Volkswagen et de Siemens non plus.

Détourner l’Allemagne du mercantilisme, contenir la Chine… L’administration Biden gardera-t-elle ce cap ? Il faut le souhaiter.  Sur la Chine, les intérêts des grandes entreprises américaines risquent néanmoins de conduire les Démocrates à une complaisance guère différente de celle de l’Allemagne, moins motivée par le souci de préserver des marchés d’exportation que par celui de préserver ses façonniers, Chine  dont des branches entières (du textile à l’informatique) auraient du mal à se passer. Il est possible que les discussions sino-américaines deviennent plus terre-à-terre, au nom de l’idée qu’il faut confronter les intérêts, et non s’opposer sur les valeurs, option dit-on trop risquée et qui peut déboucher sur une vraie confrontation militaire….

Plus de rigueur envers la Russie de Poutine

S’agissant du gazoduc Nord Stream 2 au sujet duquel Donald Trump s’est illustré par sa complaisance envers Vladimir Poutine et son incohérence2, le projet est dans son principe et, à tout le moins en ce moment, profondément regrettable. Accentuer la dépendance de l’Europe du Nord au gaz russe est malheureux au regard des lignes de fracture qui risquent de s’accentuer avec la Russie (non celle d’Alexandre Navalny et du peuple russe, celle de Poutine et des élites dont il est le régisseur). C’est aussi sacrifier sans beaucoup de discernement la situation stratégique de l’Ukraine. In petto, beaucoup d’européens sont partisans des sanctions dont Donald Trump a menacé les entreprises européennes qui continueraient de coopérer à ce projet. La France, soucieuse de préserver un dialogue budgétaire avec l’Allemagne, ne peut être aussi critique qu’il le faudrait. Dans ce domaine au moins, la nouvelle administration américaine sera plus incisive que Donald Trump, dont les failles personnelles ont servi de prétexte à plusieurs pays d’Europe pour s’aveugler sur ce qu’ils faisaient.

Serge Soudray

Notes

Notes
1L’Accord global sur les investissements, conclu en décembre 2020 et qui doit encore être ratifié. Ses mécanismes sont critiqués pour ne pas protéger suffisamment les marchés de l’Union alors que l’ouverture de la Chine aux investissements européens restent très relative.
2Véto présidentiel apposé à un projet de loi sanctionnant les entreprises participant à la construction du gazoduc, que le Congrès dut contourner par un vote à la majorité qualifiée.
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