Gastronomie – Dix restaurants qui ont changé l’Amérique : « Chez Antoine »

1Bien que Chez Antoine, le célèbre restaurant de la Nouvelle Orléans, ne soit pas tout à fait le plus ancien des États-Unis – une distinction qui revient à la Union Oyster House, fondée à Boston en 1826 – c’est de loin le « grand restaurant » le plus vieux du pays. Au cours de sa longue histoire, il a toujours été tenu par la même famille, celle du fondateur Antoine Alciatore. Ouvert en 1840 dans le Quartier français de la Nouvelle Orléans, tout près de son emplacement actuel rue Saint-Louis, Chez Antoine est un fleuron de l’héritage culinaire régional américain – un héritage magnifique mais désormais menacé. Chez Antoine s’est décrit comme un « restaurant français » pendant presque toute son histoire, mais, loin d’être un restaurant français classique, il a créé des dizaines de spécialités et a su tirer parti des ingrédients de la Nouvelle Orléans ainsi que de son style culinaire tout à fait unique.

Le cadre, tout comme le style culinaire, est chargé d’histoire : le restaurant occupe un remarquable édifice dressé sur quatre niveaux, dont la partie la plus ancienne date de 1790. De fines colonnes soutiennent un balcon pourvu d’une balustrade en fer forgé de style très orné, typique de ce que l’on croit souvent être celui de la Louisiane française, mais qui en réalité est plutôt hispanique. De grandes portes-fenêtres en bois courent sur toute la longueur de la façade du bâtiment, dont la profondeur est considérable par rapport à sa longueur. Bien qu’il occupe une portion significative de la rue Saint-Louis, entre Royal Street et Bourbon Street, au premier abord le restaurant ne donne pas l’impression de compter quinze salles à manger, ni d’avoir 700 couverts. Au cours de ses 175 années d’existence, les salles et les salons de Chez Antoine, en plus de servir de cadre à bien des célébrations, ont également joué un rôle dans les aspects tragiques de l’histoire toujours intrigante de la Nouvelle Orléans.

Le fondateur : Antoine Alciatore

Âgé de dix-huit ans seulement lorsqu’il ouvrit son restaurant, Antoine Alciatore était déjà un chef reconnu. Né en 1822 à Alassio, en Ligurie, il travailla tout d’abord à l’Hôtel de Noailles à Marseille.2  Tout comme Charles Ranhofer, le chef du célèbre restaurant new yorkais Delmonico’s3, les talents culinaires d’Antoine furent rapidement reconnus, alors qu’il n’était encore qu’apprenti cuisinier.  Le prince  de Talleyrand, qui n’était pas seulement un homme de cour et un grand diplomate mais aussi un fin gourmet, fut si impressionné par le filet de bœuf mariné concocté par Antoine – un filet de bœuf servi saignant, avec une sauce à base de fond de bœuf, de ris de veau et de foie de volaille, qu’il demanda à voir le cuisinier. Vite remis de la surprise initiale que lui causa la jeunesse d’Antoine, Talleyrand le félicita et lui demanda le nom du plat.  Antoine n’y avait pas réfléchi, mais, dans un éclair d’inspiration à la fois comique et horrible, il répondit « le bœuf à la Robespierre », en pensant aux récits de son père, qui avait assisté à l’exécution du révolutionnaire en 1793. Le bœuf à la Robespierre devait rester au menu du restaurant jusque dans les années 1960.4

Arrivé en Amérique en 1838, Antoine passa deux ans dans le downtown surpeuplé et labyrinthique de Manhattan. On ne sait rien de ce séjour, si ce n’est qu’il fut difficile, comme pour la plupart des immigrants à leur descente de bateau.  Antoine partit ensuite pour la Nouvelle Orléans, qui était alors une ville en pleine expansion, avec une influence culturelle française importante. Il travailla brièvement au nouvel Hôtel Saint-Charles, l’un des plus luxueux du pays, mais se fatigua vite de cet énorme établissement et décida d’ouvrir une pension avec restaurant dans l’ancien quartier colonial français et hispanique de la ville.

Initialement, la renommée du restaurant était due à la « dinde à la Talleyrand », une recette concoctée par Antoine qu’il avait rapportée de France et baptisée du nom de l’habile diplomate, le premier d’une longue liste de clients célèbres. Le bouche à oreille fut tel qu’Antoine ouvrit un guichet pour que le public puisse acheter ce plat, apparemment exceptionnel.  Malheureusement, nous n’avons aucune idée de ce qui pouvait bien en faire la renommée, car la recette disparut dans les brumes de l’histoire et de la légende culinaire quelque temps après 1914.5  L’important, c’est que le succès du bœuf à la Robespierre et de la dinde à la Talleyrand, ainsi que celui des pommes de terre soufflées, toujours au menu, conduisit Antoine à transformer la pension en un restaurant ouvert au public.

Antoine Alciatore mit en place une dynamique qui allait perdurer pendant un siècle : des spécialités innovantes, sur un fond de cuisine française traditionnelle. En tant que chef, Antoine était merveilleusement créatif. En plus des spécialités déjà mentionnées, il créa le canapé Saint Antoine (de la chair de crabe dans une sauce Béchamel agrémentée de vin, pannée et servie sur un canapé avec des anchois), le canapé Balthazar, ainsi nommé en l’honneur d’un peintre français désormais oublié (huîtres et fromage sur canapé assaisonnés avec du piment) et le pompano à la Montgolfier. Antoine servait ce délicieux poisson à chair fine, répandu dans le Golfe du Mexique, dans une papillote de papier cuisson dont la forme ballonnée lui inspira la référence aux frères Montgolfier, inventeurs, comme chacun sait, des premiers ballons à air chaud. Jules, le fils d’Antoine, devait encore améliorer la recette, qui deviendrait célèbre sous le nom de « pompano en papillote ».6

En dépit de cette créativité, Antoine’s resta longtemps un restaurant résolument français qui se présentait comme tel plutôt que de mettre en avant une cuisine « créole » ou « de la Nouvelle Orléans ». Jusque dans les années 1990, le menu était en français, sans aucune traduction ou explication en anglais, comme si comme si la haute cuisine parisienne avait été directement transplantée de Paris à la Nouvelle Orléans.  Durant les trente ou quarante premières années de l’existence du restaurant, la cuisine était d’ailleurs complètement française, que ce soit en termes d’ingrédients ou de techniques de cuisson et de préparation. Le menu incluait des plats tels qu’un filet de sole à la Joinville (une sole pochée en sauce au vin, servie avec des champignons, des truffes et des crevettes), un filet de bœuf Périgueux (aux truffes), des bouchées à la Reine et des bécassines sur canapé. À partir des années 1880, la cuisine devint plus régionale, et se mit à offrir davantage d’ingrédients locaux, tels le pompano, la tortue de mer, les rascasses et les coquillages qui abondent dans le Golfe du Mexique. Les techniques de préparation, particulièrement les sauces, continuaient cependant de refléter une esthétique bien française.7 D’ailleurs, l’unique livre de cuisine jamais publié avec l’imprimatur du restaurant, un ouvrage réalisé en 1980 par le chef-propriétaire de l’époque, Roy Guste, suit à la lettre les exigences des livres de cuisine française traditionnels, notamment dans la préparation de sauces complexes, interdépendantes et longues à réaliser, comme par exemple la recette de la sauce bordelaise, aux étapes multiples : cuisson au beurre d’un mélange d’oignons, d’ail et de persil, auxquels le chef ajoute une sauce marchand de vin et une sauce à l’espagnole à base de fond de bœuf et de sauce tomate.8

Jusqu’à une date récente, les propriétaires ne proposaient pas de ces plats que nous considérons désormais comme typiques de la cuisine régionale de Louisiane, tels le jambalaya ou les écrevisses à l’étouffée.  C’est tout juste s’il y avait une soupe au gombo au menu. Durant une grande partie de son histoire, Chez Antoine se présenta donc avant tout comme un restaurant français, et ensuite comme une maison qui servait des centaines de ses propres spécialités. Ce n’était d’ailleurs pas le seul restaurant de la Nouvelle Orléans à affirmer son identité française : en 1954, le menu de Brennan’s, autre institution, présentait la maison comme « le restaurant français Brennan’s », et les deux seuls plats créoles au menu étaient le gombo et le cheesecake. De même, un menu de 1948 provenant d’un autre établissement réputé, La Louisiane, le décrit comme « un des plus vieux restaurants français au monde ».9  Pour comprendre la complexité de l’héritage français et de la cuisine créole, il est nécessaire de se pencher sur l’histoire de la Nouvelle Orléans et l’environnement dans lequel Chez Antoine baigna durant ses premières années.

La Nouvelle Orléans en 1840

Lorsqu’Antoine Alciatore arriva en 1840, la Nouvelle Orléans connaissait une expansion extraordinaire, comparable et peut-être même supérieure à celle de la ville de New York.  En 1815, trois ans après que la Louisiane fut devenue un État, la population de la Nouvelle Orléans n’était que de 25 000 personnes ; en 1840, elle était passée à 102 192 habitants, ce qui en faisait la quatrième ville du pays (avec une population de 400 000 habitants, la ville n’est plus que la cinquantième du pays, par sa population). Son port, le plus grand entrepôt du Golfe du Mexique pour les exportations et les importations, était alors aussi important que celui de New York. Il exportait les produits agricoles de la plaine du Mississippi, tels le blé, le sel, la viande de porc et les peaux de bêtes, ainsi que le coton des États du Sud, et recevait les importations en provenance des Caraïbes, comme le rhum, le sucre et le café. Les capitaux financiers et le niveau de richesse par habitant étaient probablement plus élevés qu’à New York. La Nouvelle Orléans était également un centre important de la traite des Noirs. Bien que la ville ait une large population de Noirs émancipés, son économie, beaucoup plus que celle de New York, dépendait directement de l’esclavage.

Les Français avaient repéré la position stratégique du site dès lors qu’ils avaient découvert qu’il était sinon facile du moins possible de naviguer le delta du Mississipi, bien qu’il fût peu profond et chargé d’alluvions. La ville, fondée en 1717 sur un léger relief, permettait aux Français de protéger les territoires situés le long du Golfe du Mexique et de la partie basse du Mississippi contre les colonies anglaises et espagnoles. L’exploration des Grands Lacs et de la vallée du Mississippi par Champlain, Nicolet et La Salle leur avait également révélé le potentiel économique des terres arables situées le long du grand fleuve.

Au début du XVIIIème siècle, la Louisiane n’était pourtant guère qu’une aventure spéculative. Son heure de notoriété eut lieu de 1718 à 1720, lorsque la Compagnie du Mississippi, dirigée par le financier John Law, reçut le quasi monopole du commerce colonial et présenta la Louisiane comme une terre riche en or et en argent, alors que l’intérieur n’était pour l’essentiel que de vastes marais désolés. Le cours des actions de la Compagnie monta à des niveaux astronomiques, conduisant ainsi à une bulle financière, la fameuse « bulle du Mississippi ». Bien des fortunes furent perdues dans la faillite qui s’ensuivit, ce qui n’améliora pas l’image de la colonisation française.

En fait, le véritable moteur de l’empire colonial français des Amériques n’était pas la Louisiane, mais plutôt Saint Domingue, la future Haïti. Pendant une bonne partie du XVIIIe siècle, la Nouvelle Orléans fut un satellite de l’industrie du sucre, bénéficiaire de l’esclavage en vigueur dans les plantations des Caraïbes. Au maigre flux de colons venus de France, s’ajouta entre 1755 et 1764 un afflux de réfugiés français du Canada, les Acadiens, après qu’ils furent chassés par les Anglais des provinces maritimes de Nouvelle Écosse, de l’Ile du Prince Édouard et du Nouveau Brunswick. Ils s’installèrent dans les campagnes à l’Ouest de la ville et sont les ancêtres des Cajuns d’aujourd’hui.

En 1763, les Espagnols, encore très puissants dans les Caraïbes, arrachèrent la Nouvelle Orléans et la Louisiane occidentale aux Français. Ils ne la rétrocèderaient qu’en 1801, en échange du duché de Parme. En 1791, une révolte des esclaves eut lieu dans la perle des colonies françaises, Saint-Domingue, et en 1794 la Convention abolit l’esclavage. Ce fut la fin de la richesse de l’île, qui reposait sur les plantations de canne à sucre et donc sur l’esclavage. L’indépendance fut déclarée en 1804, ce qui amena à la Nouvelle Orléans une nouvelle vague d’émigrants venant des Caraïbes françaises. Avec la perte de Saint-Domingue, la présence française dans les Caraïbes et dans le Golfe du Mexique devenait soudain moins précieuse aussi bien au plan économique que politique pour l’État français. Les ambitions expansionnistes de Napoléon visaient l’Europe et l’Égypte, et non le Nouveau Monde. Il se montra donc tout à fait disposé à céder la Louisiane – un territoire immense qui, au-delà de l’État moderne, s’étendait aussi loin au Nord et à l’Ouest que le Montana – à bas prix aux jeunes États-Unis. Ainsi, en 1803, la Louisiane fut-elle cédée aux États-Unis pour la somme de 11 millions de dollars (soit sept dollars par kilomètre carré).

Thomas Jefferson, architecte du traité de cession, déclara alors que « la situation de la Nouvelle Orléans la destinait certainement à devenir la plus grande ville que le monde eût jamais vu ». Ce serait un immense canal pour la richesse de l’Amérique, « portée sur plus d’un millier de rivières, laissant les empires de l’Est loin derrière ». À l’époque, le seul débouché pour ce qui allait devenir le Midwest américain était le Mississippi. « Donnez un coup de pied dans un baril de farine à Minneapolis, et il roulera jusqu’au Golfe du Mexique », selon la formule d’un observateur de l’époque. Il était certes plus difficile de transporter à Minneapolis le rhum et le café venus des Caraïbes, mais cela fut réglé par l’utilisation de bateaux à vapeur, et il s’ensuivit bientôt un trafic fluvial considérable. 10

Ce que Thomas Jefferson n’avait pas prévu, c’était que la Nouvelle Orléans pût avoir une concurrence commerciale. Le Canal Erie, proposé en 1808 et terminé en 1825, relie Buffalo et les Grands Lacs avec l’Hudson et le port de New York, ce qui ouvrit une route fluviale concurrente, vers l’Est plutôt que le Sud, pour le transport des produits agricoles du Midwest. Dans les années 1830 et 1840, le développement du réseau ferré offrit lui aussi de nouvelles alternatives au passage par le Mississippi et le port de la Nouvelle Orléans. Toutefois, jusqu’à la guerre de Sécession, la colonisation de la vallée du Mississipi et l’expansion du coton dans le Sud faisaient plus que compenser le fait que les récoltes du Midwest prennent des routes alternatives grâce au canaux et aux voies ferrées reliant l’Est du pays.

Avec la culture du coton et du sucre, vint l’esclavage : la Nouvelle Orléans possédait le plus grand marché aux esclaves des États-Unis, et les ouvrages de l’époque, à commencer par l’un des chapitres les plus émouvants de La Case de l’oncle Tom, mettent en lumière la tragédie des victimes de la traite des esclaves au XIXe siècle. Toutefois, du fait de l’importance de son élite créole catholique et de sa population de Noirs affranchis, et grâce aussi à la diversité de sa population d’immigrants, la Nouvelle Orléans n’eut jamais exactement le caractère d’une ville sudiste. C’était plutôt une ville quelque peu caribéenne, et toujours en partie française. Mais, si la culture était mélangée, la fortune économique de la ville dépendait singulièrement du commerce du coton sudiste ; lorsque la guerre de Sécession éclata, la population blanche de la ville soutenait fermement la Confédération sudiste. La Nouvelle Orléans fut occupée par les troupes fédérales plus vite que les autres villes sudistes, à la suite de l’invasion navale de 1862. Bien qu’ayant subi de moindres destructions que Richmond ou Atlanta, la ville ne retrouva jamais la position qu’elle avait occupée au milieu du siècle. Paradoxalement, une épidémie de fièvre jaune catastrophique en 1878 fut suivie d’un renouveau culturel et économique. Le réseau ferré fut développé, le port fut restauré grâce à des travaux dans l’estuaire du Mississippi, et d’autres grands travaux sur le fleuve permirent d’accroître le trafic fluvial.

Que ce soit avant ou après la guerre de Sécession, la présence d’une importante population noire a toujours donné à la Nouvelle Orléans un caractère différent de celui de New York, mais les deux villes ont en commun le fait d’avoir été enrichies par des vagues successives d’immigration. Dans le cas de la Nouvelle Orléans, elles vinrent tour à tour d’Espagne (surtout des Iles Canaries), pendant la période de domination espagnole ; d’Allemagne (notamment l’Alsace et la vallée du Rhin) à partir de la création de la Compagnie du Mississippi – mais surtout après 1848 – ; et d’Italie entre 1885 et 1915 (particulièrement de Sicile). Des Américains venus d’autres régions des États-Unis s’installèrent également dans cette ville prospère, mais les relations avec l’ancienne élite créole et française étaient suffisamment difficiles pour que les nouveaux arrivants s’installent de part et d’autre de la vieille ville, définissant ainsi le Quartier français, ou Vieux Carré, pris en tenaille entre les secteurs américains, situés à l’Ouest de Canal Street et à l’Est de l’Esplanade.  Le résultat est une métropole au caractère unique, attirant et varié qui, à l’instar de New York, n’est pas considérée comme réellement américaine et est donc perçue avec autant de méfiance que de curiosité par les habitants du centre du pays.

La cuisine de la Nouvelle Orléans a été influencée par les nouveaux arrivants, mais pas de la même manière qu’à New York où chaque communauté d’immigrants a conservé sa propre cuisine sans amalgame ni fusion. À la Nouvelle Orléans, au contraire, la cuisine locale incorpore des éléments de ses divers immigrants historiques, qu’ils soient arrivés volontairement ou par la force : le riz des Espagnols ; les saucisses des Allemands ; les épices, l’okra, le gombo et les techniques de cuisson des Africains ; les sauces à la tomate, les pâtes et les sandwiches poboy (de l’anglais poor boy, autrement dit les sandwiches du pauvre) adaptés de la cuisine sicilienne. Ces influences, loin d’être segmentées, sont d’ailleurs mêlées : le riz vient des Africains autant que des Espagnols ; le style des pains et des pâtisseries reflète un amalgame d’influences françaises, italiennes et allemandes.

Le climat de la Louisiane et la colonisation française, plus l’absorption des influences culinaires des immigrants, ont produit ce qui est connu comme la cuisine créole. Le menu de Chez Antoine – un menu étonnamment varié et lent à changer dans le temps –  est donc basé sur trois pratiques culinaires : une tradition française assumée ; de nombreuses spécialités inventées par les chefs et les membres de la famille Alciatore ; et un fond élégant et subtil de cuisine créole. Dans ce restaurant, la poursuite du modèle français n’a jamais nui à l’innovation. À l’époque de Jules Alciatore, directeur de 1887 à 1934, de nouveaux plats étaient constamment inventés. Certains, tels les huîtres à la Rockefeller, sont mondialement célèbres. En 1930, Roy Alciatore, directeur de 1934 à 1972, révéla à un reporter que la maison avait 560 recettes d’œufs, et qu’en tout la cuisine pouvait préparer plus de 1 000 plats différents, dont beaucoup n’étaient servis nulle part ailleurs.11

Le troisième aspect du menu, la cuisine créole sophistiquée de la Nouvelle Orléans, exige quelques commentaires : que ce soit assumé ou non, c’est cette tradition culinaire que Chez Antoine a toujours représentée, au cours de sa longue histoire. L’actuel propriétaire, Rick Blount, décrit sa cuisine comme de la « haute cuisine créole ». Le terme pourrait s’appliquer à presque toute l’histoire du restaurant, même si les propriétaires précédents, au cours de 150 des 175 ans d’existence du restaurant, ont évité le mot « créole ».

Les Créoles et la cuisine créole

Il est maintenant reconnu que la cuisine créole a émergé d’un mélange de gens, d’ingrédients et de techniques culinaires, mais ce consensus masque la longue et tendancieuse histoire du mot « créole » dans la langue anglaise. Alors que le mot dénote maintenant la culture française de la Nouvelle Orléans, par le passé le terme « créole » a souvent évoqué la notion de mariage interracial, une notion trop douloureuse, si ce n’est intolérable, pour que les Blancs la reconnaissent dans leur propre historique. À l’époque coloniale, un Créole, au sens strict, était une personne d’origine européenne née dans le Nouveau Monde, par exemple née au Mexique de parents espagnols ou au Brésil de parents portugais. Avec le passage du temps, la référence au lieu de naissance (en Europe ou en Amérique) fit place à la notion de race, mais de manière ambiguë. Un Créole pouvait être un Blanc descendant de colons européens, mais aussi une personne de race mixte. À la Nouvelle Orléans, comme partout aux États-Unis, le moindre ancêtre africain faisait de vous, légalement, un Noir. À cause de l’esclavage et de son héritage, il était important de s’affirmer de race complètement blanche, et donc d’éviter d’utiliser des mots comme « créole », qui pouvaient évoquer un mélange racial.

Jusqu’à la fin du XIXe siècle, le terme était utilisé par les personnes extérieures à la ville plutôt que par les habitants pour décrire la population d’origine française. Le journal de voyage d’un Yankee publié en 1835 décrit le malentendu d’un père originaire du Massachusetts qui, informé du mariage de son fils avec une Créole de la Nouvelle Orléans, crut que la jeune fille était une mulâtresse et refusa tout d’abord d’avoir des relations avec le couple.12 L’auteur explique que dans le Nord il était courant de croire, à tort, que « créole » signifiait « de couleur », et c’est pourquoi les Louisianais évitaient d’utiliser le terme. Ils insistaient sur la pureté de leur identité française pour réfuter la tache présumée du mariage interracial.

Dans le domaine culinaire, le terme « créole » a connu une histoire parallèle. Ce que nous considérons comme la cuisine créole s’est développé longtemps avant que les autochtones n’emploient ce terme pour décrire leur cuisine. Cela venait en partie de leur répugnance à évoquer un héritage interracial, mais aussi du fait que la cuisine de l’élite était la cuisine française – ou supposée telle –,  éventuellement adaptée aux conditions locales.

En réalité, la cuisine créole est très particulière. Ses éléments de base sont les suivants :

  1. Le roux (à base de beurre, de farine et de lard ou d’huile chauffés ensemble – alors que dans la cuisine française on prépare le roux en mélangeant uniquement beurre et farine) pour réaliser les sauces et les soupes.13
  2. Un mélange de céleri, d’oignons et de poivrons doux, souvent baptisé « la sainte Trinité », qui est ajouté au roux et constitue la base de nombreux plats et sauces.
  3.  Des saveurs beaucoup plus épicées que dans la cuisine française.
  4.  Plus de tomates qu’en France.
  5. La prédominance de certains ingrédients régionaux comme le « filé » (du sassafras en poudre, qui sert notamment à parfumer et épaissir le gombo), le gru (à base de maïs moulu), les mirlitons (une variété de courges caribéennes), des poissons du Golfe du Mexique tels que le pompano, la truite de mer et le rouget; des fruits de mer comme les huîtres et les crevettes ;  des volailles sauvages telles que le canard.
  6. Le recours à des ingrédients initialement venus de l’étranger, tels que l’okra, un légume africain, ou les saucisses, ou encore des adaptations régionales de produits américains comme le cream cheese créole, dont la consistance est plus liquide que le cream cheese ordinaire, ou encore le café mélangé avec de la chicorée.

L’esthétique, toutefois, reste française, avec le recours à des sauces complexes et à une cuisson lente.

Parmi les plats typiques de la cuisine créole, le gombo (une soupe assez épaisse et épicée, qui peut être à base de poisson, de viande ou de légumes) est le plus connu, et le premier plat créole à avoir conquis un large public. Mentionné dès 1764, c’est un plat dont l’origine incertaine reflète bien l’influence de divers groupes d’immigrants. Dès le début du XIXe siècle, il est considéré comme la spécialité la plus typique de la Nouvelle Orléans.14 Dans ses mémoires, Pierre-Clément de Laussat, le dernier préfet colonial de Louisiane, raconte ainsi qu’il fit servir vingt-quatre gombos différents (dont plusieurs à base de chair de tortue) au banquet donné pour le départ du représentant du Royaume d’Espagne, en 1804.15

Au XIXe siècle, le gombo était même servi dans les quartiers américains de la Nouvelle Orléans, où l’on évitait pourtant la nourriture créole. Le bar de l’Hôtel Saint-Charles, au sous-sol,  était réputé pour son gombo, alors que le restaurant, dans sa magnifique salle voutée et décorée de miroirs, servait des plats plus classiques, tels les macaronis à l’italienne, les huîtres panées, la tête de veau ou le bœuf à la mode.16 Jusqu’en 1880, les habitants français de Vieux Carré consommaient donc une cuisine qu’ils voyaient comme française. Quant à la population américaine, elle s’était appropriée certains de ces plats, mais ses meilleurs restaurants proposaient la même approximation de la cuisine française que celle servie dans le reste du pays.

Si les autochtones fuyaient le mot « créole », celui-ci était parfois utilisé dans le vocabulaire culinaire par les gens de l’extérieur. Les plats dits « à la créole » ne se référaient pas précisément à la Nouvelle Orléans : la formule était employée de manière vague, un peu comme en français où les sauces dites « espagnole » ou « béarnaise » n’ont pas nécessairement cette origine géographique. Ainsi, les cuisiniers français employaient le terme « à la créole » pour décrire des plats servis avec du riz.17 À titre d’exemple, Antonin Carême, le chef le plus célèbre du XIXe  siècle, et le premier cuisinier à porter ce titre, inventa (à Paris) une recette de « harengs frais à la créole », qui consiste en des harengs cuits au vin blanc avec des légumes hachés, servis avec du riz. Aussi étrange que cela puisse paraître (les harengs étant un plat du Nord de l’Europe), cette spécialité devint très à la mode dans le monde anglophone. On en trouve la recette, notamment, dans un guide de 1886 de deux villes côtières de l’Est de l’Angleterre, Yarmouth et Lowestoft.18

Aux États-Unis, le terme de « créole » se référait plutôt à une sauce à base de tomates et de poivrons. Ainsi, des menus venant de Boston et de New York mentionnent des « crabes à la créole » ou des « crabes farcis à la créole ». À Jacksonville, en Floride, un menu datant de 1882 propose un « poulet sauté à la créole ». Quand à Charles Ranhofer, le célèbre chef du Delmonico’s à New York, il donna dans la revue culinaire The Epicurian une recette de « fruits à la créole », à base de riz : ananas, pêches et riz accompagnés d’une sauce à base de sirop de vanille, d’abricot et de marasquin.19

Soudain, dans les années 1880, la Nouvelle Orléans se mit à embrasser le terme « créole » pour souligner l’originalité de sa cuisine auprès des touristes. La foire internationale qui se tint en 1884, pour le centenaire des premières exportations américaines de coton, fut l’occasion de promouvoir la ville auprès de centaines de milliers de visiteurs. Le guide de la ville publié en cette occasion vantait le gombo : « Rien ne chatouille autant le palais, ne satisfait mieux l’appétit, ni n’est plus nourrissant ou économique que le gombo créole ».20 La découverte de la cuisine créole s’accompagna aussi d’un nouvel intérêt pour l’histoire romanesque de la Nouvelle Orléans, tant de la part des autochtones que de celle des visiteurs. Le Vieux Carré, qui jusque là était simplement considéré comme délabré, fut restauré pour attirer les touristes, mais sans excès toutefois, afin que son aspect pittoresque et sa réputation décadente ne souffrent pas d’une modernisation excessive. Cette image de décadence et de sensualité était encore forte lorsque Un Tramway nommé désir, la pièce de Tennessee Williams, ouvrit en 1947.21 Les restaurants du Quartier français, qui jusque là n’étaient guère que les derniers bastions de l’élite locale, devinrent une destination attirante pour les visiteurs de la fin du XIXe siècle et du début du XXe avides d’essayer ce que l’on nommait désormais la cuisine créole.

Le troisième facteur de promotion de la cuisine créole fut la publication en 1885 de deux manuels de cuisine : La Cuisine Créole,du journaliste et écrivain Lafcadio Hearn, et The Creole Cookery Book,  publié pour lever des fonds par une œuvre de bienfaisance protestante, la Christian Woman’s Exchange. Bien qu’écrits par des auteurs qui n’étaient pas créoles, les deux ouvrages devinrent rapidement des guides gastronomiques reconnus. Hearn, né en Grèce et élevé en Irlande, était arrivé à la Nouvelle Orléans en 1877. Il devint célèbre grâce à ses écrits sur les passions et les intrigues de la Louisiane française avant d’être envoyé en Martinique, puis au Japon, où il devint un interprète passionné de la culture japonaise et prit le nom de Koizumo Yakumo. Hearn ne passa donc qu’une dizaine d’années à la Nouvelle Orléans, mais ce fut suffisant pour exercer une influence décisive sur l’image de la ville et de sa cuisine.

Les dames de la Christian Woman’s Exchange étaient protestantes, et donc étrangères à la population du quartier français de la ville, qui naturellement était catholique. Le fait que des femmes protestantes, qui pour la plupart n’étaient pas d’origine française, aient eu l’idée de faire un livre sur la cuisine créole était peut-être dû à leur esprit d’entreprise – après tout, il s’agissait de lever des fonds – mais cela reflète également l’évolution de la Nouvelle Orléans en une ville dotée d’un curieux héritage semi-français, une tradition historique susceptible d’être brandie par des personnes qui n’en étaient pas réellement représentatives.

Au XIXe siècle, la cuisine créole était vue comme relevant d’une tradition culinaire française qui comptait certes de nombreux contributeurs mais qui appartenait fondamentalement à l’élite blanche de la Nouvelle Orléans. Les Afro-américains n’étaient pas tant exclus de ce récit que fermement confinés à un rôle de subordination. Les cuisiniers d’origine africaine étaient présentés comme s’étant contentés de suivre les leçons de leurs maîtresses françaises ou espagnoles, et comme ayant été les gardiens certes pleins de ressources mais essentiellement passifs d’une tradition culinaire blanche. La première édition du Picayune Creole Cook Book (Manuel de cuisine de Picayune22 ), en 1900, regrettait pourtant la disparition des « vieilles cuisinières créoles noires » et l’année suivante la seconde édition ajoutait : « les bandanas et les tignons (une forme de coiffe portée par les Noires de Louisiane) disparaissent de nos cuisines. Bientôt les dernières cuisinières nègres (sic) d’avant la guerre de Sécession auront disparu et elles ne pourront pas être remplacées. » D’ailleurs, l’un des objectifs déclarés du manuel était d’apprendre aux maîtresses de maison blanches, qui n’avaient plus de personnel de cuisine, comment préparer ce qu’une génération plus tôt, même dans les dures années d’après-guerre, des cuisinières afro-américaines cuisinaient pour la table de leur maîtresse, leur « ole Miss » : un ragout de collier ou un pot-au-poivre qui eût fait honneur à la table d’un roi.23

Au XXe siècle, les Blancs de la Nouvelle Orléans essayèrent de gommer l’idée que la cuisine créole eût quoi que ce soit à voir  avec les Noirs. À partir de l’édition de 1922 du Manuel de cuisine créole de Picayune, toute référence directe au rôle des Afro-américains fut éliminée. Trente ans plus tard, un guide de voyage expliquait avec insistance que « le Créole est COMPLETEMENT BLANC…le nom, écrit avec une majuscule, se réfère … définitivement et sans exception à une personne descendant de colons français et espagnols de sang noble. » 24 Bien entendu, il n’était pas possible de maintenir cette attitude vis à vis de la cuisine créole. Même les éditions d’après 1922 du Manuel de cuisine créole de Picayune conservaient en frontispice une illustration représentant une femme noire face à une marmite. En 1937, Lena Richard, une cuisinière noire qui avait commencé sa carrière comme domestique mais était devenue un chef renommé après avoir fréquenté une école de cuisine, ouvrit sa propre école de cuisine à la Nouvelle Orléans. À l’époque, le Times-Picayune nota avec étonnement le fait qu’une « [négresse [sic] entreprenne d’enseigner la cuisine créole à des femmes blanches ».25 Mais ce fut un succès et, à partir de 1947, Lena Richard eut sa propre émission de télévision, la première et longtemps l’unique émission consacrée à un chef noir.26

En réalité, il a toujours existé une tradition culinaire créole « noire », qui est maintenant reconnue par un public plus large, grâce à des personnalités telles Leah Chase, la propriétaire du restaurant Dooky Chase, et à Louis Bluestein, qui a dirigé la cuisine de Brennan’s pendant de longues années. 27 Le répertoire culinaire de ces chefs est très similaire à celui des chefs blancs. Peut-être les chefs noirs confectionnent-ils un roux plus coloré et utilisent-ils des épices différentes, mais il n’y a pas vraiment de règles séparant les deux traditions culinaires.

Enfin, la cuisine créole de la Nouvelle Orléans est différente de la cuisine cajun du Sud-Ouest de la Louisiane. Jusque dans les années 1970, il n’y avait aucune confusion possible entre les deux. En 1979, toutefois, le chef Paul Prudhomme – une forte personnalité, très médiatique – ouvrit un restaurant à la Nouvelle Orléans, K-Paul’s Louisiana Kitchen, qui servait une cuisine très épicée, influencée par la cuisine cajun. Prudhomme est décédé en 2015 mais il a contribué à gommer la distinction entre cuisine créole et cajun et à faire de l’ombre à la véritable cuisine créole, plus raffinée et francophile.

En réalité, les deux traditions culinaires sont très différentes. Même si les deux cuisines sont d’origine française, elles n’ont pas été produites par les mêmes populations. Bien des ingrédients sont similaires, mais la cuisine cajun recourt plus aux écrevisses, au maïs (par opposition au riz), aux saucisses, aux épices fortes et à une vaste gamme de gibier, y compris la viande d’alligator. Le gombo appartient aux deux cuisines, mais le jambalaya est plus cajun que créole. La cuisine de la Nouvelle Orléans fait appel aux crevettes plus qu’aux écrevisses, et à la viande d’animaux domestiqués plutôt qu’au gibier. La différence principale est celle entre cuisine rurale et urbaine : entre les plats uniques des Cajuns et les ingrédients préparés séparément chez les Créoles. De plus, à la Nouvelle Orléans, les sauces sont plus riches, moins épicées et plus françaises que chez les Cajuns : ainsi, les sauces rémoulade, cardinale et ravigote sont typiques de la ville.

Jusque dans les années 1970, la cuisine créole de la Nouvelle Orléans était appréciée tandis que la cuisine acadienne plus rustique était peu connue en-dehors de la région.  Pourtant, si le réseau de bayous et de rivières du Sud-Ouest de la Louisiane peut paraître inhospitalier, il abonde en animaux sauvages et a permis le développement d’une cuisine variée et créative.

Si Chez Antoine et les autres restaurants les plus anciens et les plus établis de la Nouvelle Orléans ont fait peu de gestes envers la cuisine créole, ils ont complètement ignoré la cuisine cajun. Même à l’heure actuelle, les grandes spécialités cajun – poissons à la cajun, boudin ou alligator – restent absentes du menu. Les deux traditions culinaires sont menacées par la disparition de la langue française aux États-Unis, ainsi que par l’homogénéisation de la culture, mais le mode de vie cajun résiste mieux à la culture de masse que la culture sophistiquée de la population créole de la Nouvelle Orléans. La cuisine cajun correspond bien au goût américain pour les émissions télévisées culinaires, les chefs à forte personnalité médiatique et une cuisine roborative, tandis que la gastronomie créole souffre du déclin général de la cuisine d’inspiration française aux États-Unis.

L’histoire de la cuisine créole est également compliquée parce qu’elle se positionne entre diverses interprétations de la tradition française, sans oublier qu’elle a souffert de ses propres mythes et d’une certaine pression tendant à une homogénéisation de la cuisine américaine. Toutefois, même si cela n’a pas toujours été assumé, c’est bel et bien la cuisine créole qui domine dans l’histoire de Chez Antoine.

Extrait de Dix restaurants qui ont changé l’Amérique, par Paul Freedman

Notes

Notes
1Je remercie vivement Rick Blount, le propriétaire de Chez Antoine, sa mère Mme Yvonne Alciatore et son cousin Roy F. Guste Jr de m’avoir donné accès à leurs archives familiales et de m’avoir confié leurs souvenirs, toujours avec grande gentillesse. Mon ancien élève Ashley Young, à Yale, ainsi que Mme Liz Williams, Directrice du Southern Food and Beverage Museum à la Nouvelle Orléans, m’ont été d’une assistance considérable.
2New Orleans, Historic New Orleans Collection, Williams Library, MS 632, Erin Greenwald, “Antoine’s Restaurant History,” Working Files, Folder 17, généalogie de la famille Alciatore. Je remercie Erin Greenwald de m’avoir donné accès à ces dossiers ainsi que d’avoir partagé avec moi ses connaissances sur l’histoire du restaurant.
3Le Delmonico’s, à New York, est lui aussi considéré par l’auteur comme un des dix restaurants qui ont changé l’Amérique. Charles Ranhofer (1836-1899), comme Antoine Alciatore, est connu pour avoir inventé plusieurs plats mondialement célèbres, tels les œufs Benedict. [NdT]
4Extrait d’une plaquette commémorant le centenaire du restaurant, Souvenirs du restaurant Antoine, ca. 1940, p. 5, disponible dans les archives de Tulane University, Howard Tilton Memorial Library, Special Collections, Louisiana Research Collection, et dans des ouvrages et souvenirs disponibles au restaurant. Le restaurant possède également nombre de menus qui permettent d’étudier changements et continuités.
5Meigs O. Frost, “Gourmet’s Shrine,” New Orleans Times-Picayune, April 3, 1940, p. 15 of a 16-page special section commemorating the hundredth anniversary of Antoine’s; Clem Hearsey, column from Oct. 8, 1911 reprinted in this same commemorative newspaper section, p. 5.
6Harnett T. Kane, Queen New Orleans: City by the River (New York, 1949), p. 325.
7Frost, “Gourmet’s Shrine,” p. 2; menus datant de 1885, 1887, 1890, 1891 and 1892.
8Roy F. Guste, Jr., Antoine’s Restaurant Since 1840 Cookbook (New York, 1980), pp. 35, 126.
9Les deux menus font partie de la collection de menus historiques conservés par le restaurant.  En 1961, l’auteur d’un livre de cuisine édité par le restaurant Brennan mentionne prudemment la cuisine créole comme une forme de cuisine régionale, comme il en existe tant en France, ce qui lui fait dire qu’il n’existe pas qu’une seule forme de cuisine française. Hermann B. Deutsch, Brennan’s New Orleans Cookbook (New Orleans, 1961), pp. 39-40.
10Kane, Queen New Orleans, pp. 127-143.
11Frost, “Gourmet’s Shrine,” p. 2.
12J. H. Ingraham, The South-West, by a Yankee, vol. 1 (New York, 1835), pp. 118-119.
13Au sujet du roux, voir Tom Fitzmorris, Hungry Town: A Culinary History of New Orleans, the City Where Food is Almost Everything (New York, 2010), pp. 80-81. 
14Elizabeth Williams, New Orleans: A Food Biography (Lanham, 2013),  p. 139; C. C. Robin, Voyages to Louisiana by C. C. Robin, 1803-1805, trans. Stuart O. Landry, Jr. (Gretna, 1966), p. 155.
15Pierre–Clément de Laussat, Memoirs of My Life to My Son During the Years 1803 and After, Which I Spent in the Public Service in Louisiana as Commissioner of the French Government for the Retrocession to France of that Colony and its Transfer to the United States, trans. Agnes Josephine Pastwa (Baton Rouge, 1978), p. 86.
16Pour une description du bar, voir A. Oakley Hall, The Manhattaner in New Orleans, or Scenes of Crescent-City Life (New York, 1851), p. 10.  Pour la description du menu du restaurant, voir Robert C. Reinders, End of an Era: New Orleans 1850-1860 (New Orleans, 1964), p. 152.
17Voir le Larousse gastronomique. En France, nous continuons à cuire le riz “à la créole”, dans un grand volume d’eau chaude. [NdT]
18John Greaves Nall, Great Yarmouth and Lowestoft: A Handbook for Visitors and Residents (London, 1866), p. 376.
19New York Public Library, Rare Books, Menus from the Fifth Avenue Hotel and from the Revere House Hotel (Boston); from the Windsor Hotel, Jacksonville.  Charles Ranhofer, The Epicurean (New York, 1893), p. 889.
20Historical Sketchbook and Guide to New Orleans and Environs (New York, 1985), p. 91.
21Sur le tourisme et les vicissitudes du Quartier français, voir Anthony J. Stanonis, Creating the Big Easy: New Orleans and the Emergence of Modern Tourism, 1918-1945 (Athens, GA and London, 2006), pp. 141-169.
22Ville de Louisiane.
23The Picayune’s Creole Cook Book, 2nd. ed.  (New Orleans, 1901; repr. New York, 1971),  pp. 5-6.  In its fifth edition the title was slightly adjusted to the name it is generally known under, The Picayune Creole Cookbook.  On the history of this cookbook and the changes in its racial mise en scène, see Rein Fertel, ”Everyone Seemed Willing to Help’: The Picayune Creole Cookbook as Battleground, 1900-1920,” in The Larder: Food Studies Methods from the American South, ed. John T. Edge et al. (Athens, GA, 2013), pp. 10-31.
24Voir Theresa McCulla, “Representing Modern New Orleans: Food and the Evolution of the Multiethnic City,” (Ph.D. dissertation, in progress, Harvard University), citing a 1951 publication.
25Extrait de “Cook Who is Known for ‘Dream Melon’ to Teach Creole Cuisine,” Times-Picayune, May 15, 1938.
26Voir Lena Richard carved culinary path for African-Americans
27Nathaniel Burton and Rudy Lombard, Creole Feast: Fifteen Master Chefs of New Orleans Reveal Their Secrets (New York, 1978), especially the introductory pages xviii-xx.  See also Carol Allen, Leah Chase: Listen, I Say Like This (Gretna, 2002); Austin Leslie and Marie Rudd Posey, Austin Leslie’s Creole Soul: New Orleans Cooking with a Soulful Twist (New Orleans, 2000).
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