L’attentat de Nice, dit-on, a fait éclater l’unité républicaine qui avait suivi les attentats de janvier 2015 et peut-être encore ceux de novembre dernier. La droite républicaine, sincèrement ou pour ne pas être doublée par le Front national, critique violemment le gouvernement pour ce qu’il a fait ou omis de faire depuis dix-huit mois contre le terrorisme. La concurrence entre les candidats de droite joue aussi son rôle. Qui sera le plus martial ? Même François Juppé est obligé de virer à droite, au risque d’alimenter la panique.
Cela posé, quelque chose appelle certainement débat. De bons experts tels François Heisbourg ou Michel Goya, d’autres encore… pointent depuis plusieurs mois les dysfonctionnements administratifs et les erreurs d’approche.
Le gouvernement parait maintenant mal inspiré d’avoir refusé la commission d’enquête sur les attentats de novembre que les meilleurs experts appelaient de leurs vœux, à la fin de l’année dernière. Le consensus, cela se construit. La commission d’enquête parlementaire sur l’action de l’Etat face aux attentats de janvier et de novembre 2015, qui a rendu son rapport le 5 juillet, a servi de succédané, et personne ne pourra dire qu’elle a été inutile. En revanche, beaucoup de temps a été perdu sur une mesure marginale, inutile, comme la déchéance de nationalité.
Entre un Hollande qui paraît ahuri et un Valls, piégé, réduit à se caricaturer lui-même, la gauche semble démunie pour donner au pays le sentiment que la situation est sous contrôle, et que le terrorisme finira par être anéanti. N’est pas Clemenceau qui veut. Le constat, fait par des esprits qui ne sont pas hostiles au pouvoir en place, est cruel1.
Comment ramener de la raison, du sang-froid dans le discours politique et la société ?
La droite républicaine est prisonnière du jeu électoral en son sein et de la concurrence du Front National. Le pouvoir socialiste ne représente plus rien que lui-même. L’extrême-droite, comme en 1940, se tient prête à profiter du malheur des temps pour alimenter son entreprise de déstabilisation du pays. Le pays risque de ne pas supporter le spectacle bien longtemps.
Le vote anglais pour le Brexit montre qu’une décision irrationnelle, non voulue et non prévue, peut quand même réunir une majorité de circonstances, à la faveur d’un mouvement de rage de l’électorat. Sans même cela, les risques de violence dans la population sont bien réels si de petits groupes se convainquent que rien n’est fait, que le pouvoir est faible, qu’il faut agir… Le début de ratonnade, en Corse à l’hiver dernier, ne doit pas rester comme la prémice de ce qui s’est produit ensuite.
Ce serait bien le moment, pour le gouvernement, de ressortir l’idée de grande commission trans-partisane ou celle d’un comité d’experts dégagés des polémiques pour évaluer les dispositifs et préconiser ce qui doit être mis en place, en donnant effet aux recommandations de la commission parlementaire. Le débat public, « médiatisé » entre experts reconnus, indépendants, est ce qui pourrait arriver de mieux. Ce serait en sortir par le haut, et protéger le débat, nécessaire et légitime, de la concurrence électorale ; tous les partis républicains y aurait intérêt.
Hollande et Valls, figés, exsangues, soucieux de convaincre qu’ils maîtrisent la situation2 et méritent d’être reconduits en 2017, devraient y penser rapidement. Au prochain attentat, l’opinion réclamera leur démission immédiate.
Serge Soudray
Notes
↑1 | Le Monde du 18 juillet 2016, François Heisbourg : les mesures prises contre le terrorisme sont inefficaces et dérisoires. |
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↑2 | La décence interdit de se demander en ce moment si les politiques économiques, depuis cinq ans, ont bien visé à résorber le chômage dans les quartiers populaires et notamment dans la jeunesse issue de l’immigration. A part Uber et Deliveroo (et ce n’est pas une boutade : voir les chiffres de création d’entreprises dans ce département depuis 18 mois), qui s’est occupé du 9-3 depuis 2012 ? Voir ici ce que nous écrivions, en septembre 2015, pour le dixième anniversaire des émeutes de 2005. |