Le débat politique oppose de façon « politique de l’offre » et « politique de la demande ». Ces deux politiques ne sont pas nécessairement contradictoires et de nombreuses composantes d’une politique de l’offre n’impliquent pas pour autant « l’austérité ».
D’abord, l’essentiel d’une politique de l’offre n’a pas d’impact sur la demande intérieure. Il s’agit notamment de toutes les mesures relatives à la flexibilité du travail, à l’allègement de contraintes réglementaires pesant sur les entreprises ou de la réforme des professions réglementées. Ensuite, pour améliorer la compétitivité il est certainement nécessaire de réduire la dépense publique. Ceci ne signifie pas pour autant une réduction des déficits. La baisse des dépenses publiques peut être entièrement redistribuée aux entreprises sous forme d’une diminution des prélèvements obligatoires. A déficit constant, l’impact de cette politique sur la demande globale ne devrait pas être défavorable.
Là où le débat apparait, c’est lorsque la politique de l’offre vise à modifier le partage de la valeur ajoutée entre les entreprises et les salariés au profit de l’entreprise. Historiquement, dans un environnement inflationniste, la modération salariale permettait d’atteindre cet objectif grâce à la diminution des salaires réels. Ceci n’est plus possible aujourd’hui d’où le recours et le débat autour d’un transfert des prélèvements obligatoires vers les ménages assortis d’allègements au profit des entreprises le plus souvent au niveau du cout du travail. Le meilleur exemple de cette stratégie qui a fait débat est une hausse de la TVA compensée par une baisse des cotisations sociales. Ces mesures ont un impact négatif sur la demande globale si l’on prend comme hypothèse que la propension à épargner les revenus du capital est supérieure à celle à épargner les revenus du travail et/ou que les non-résidents bénéficient pour partie des revenus du capital.
Deux éléments peuvent cependant contrecarrer cet impact négatif : l’amélioration de la compétitivité des entreprises peut stimuler les exportations et l’amélioration des marges et de la profitabilité peut contribuer à relancer l’investissement. Or, dans la France d’aujourd’hui se sont précisément les exportations et l’investissement qui font défaut. Pour que cette politique de compétitivité joue à plein elle doit être ciblée sur les secteurs exposés à la concurrence internationale qui vont pouvoir tirer parti de la baisse de leurs prix de revient et qui sont susceptibles d’investir. Ceci plaide en faveur d’une concentration de l’effort d’allègement sur les employeurs qui versent des salaires « moyens » pour cibler les entreprises exposées à la concurrence international et qui doivent investir et non sur l’ensemble des bas salaires. La politique de l’offre ne doit pas chercher à résoudre également les questions d’employabilité des travailleurs peu qualifiés.
Dans le contexte actuel, privilégier à tout prix une réduction des déficits est un non-sens dénoncé avec justesse et qui ne fait que rendre plus couteux l’effort d’ajustement structurel. Compte tenu des taux d’intérêt très bas, la meilleure stratégie est sans doute d’emprunter à taux fixe et d’accepter des déficits élevés à condition d’engager de manière résolue une réforme de la réglementation, une réduction de la dépense publique et d’accepter de modifier le partage de la valeur ajoutée de manière drastique entre les marges et les revenus du travail dans les entreprises exposées à la concurrence internationale.
Marc Berger
Pseudonyme d’un haut-fonctionnaire. Exerce dans le secteur privé.