Bruno Le Maire, la France et l’Allemagne

« Le mépris typiquement français pour les petits pays et leurs drames. Mais si ! Mais si, je le vois bien ! Vous ne devriez pas. Votre grande histoire ne vous donne aucun droit sur nous. Elle a été autant abîmée que la nôtre, votre grande histoire, seulement vous ne voulez pas le reconnaître, non ? Je me trompe ? Vous avez cru que votre histoire vous donnait des droits sur les autres, sur les petits, sur les vaincus. Vous faites une erreur. Vous faites une erreur grossière depuis des années. Les petits pays vous voient rapetisser à votre tour, certains, pour tout dire, avec une certaine jubilation. Et le grand pays vaincu ne vous reconnaît plus aucun droit sur lui. Vingt ans et quelques mois à Stuttgart. Je connais suffisamment les Allemands pour vous dire que leur conscience politique, si vous me permettez ce mot, ne vous accorde plus le moindre droit sur eux. Ils ne veulent plus que vous vous mêliez de leurs affaires, point final. Vous dites l’Europe ? Quelle Europe ? Votre Europe est une excuse pour conserver votre part du gâteau. Plus personne ne se laissera prendre à votre truc. Y compris les Allemands. Comprenez une fois pour toutes que les Allemands sont à la fois puissants et provinciaux, provinciaux et puissants. Quand cela les arrange, ils se replient sur eux et impossible de leur faire prendre la mesure de leurs responsabilités. Le lendemain, ils prennent deux ou trois décisions économiques qui écrasent leurs voisins. En toute bonne conscience. Et vous qui réclamez de leur part un sens universel ! Une vision du monde ! Vous êtes prisonniers de votre histoire et vous ne la connaissez pas. Autant que vous êtes aveugles à l’histoire des autres. »

Bruno Le Maire, Musique absolue, Une répétition avec Carlos Kleiber, Gallimard, NRF, L’infini 2012

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