« Il est venu, il a été gentil, mais un peu pontifiant, estime une chasseuse de tête qui fait un peu la moue. Pas la peine de parler si longtemps pour en dire si peu ! » (propos repris dans Challenge). C’est l’une des réactions à l’allocution de Jean-Marc Ayrault le 29 août à l’université du Medef.
Pour celles et ceux qui fondent quelque espoir dans la conférence environnementale des 14 et 15 septembre, il a pourtant usé d’une formule laconique qui laisse perplexe « La transition énergétique, que mon gouvernement veut engager, ne doit pas se traduire par une dégradation de notre compétitivité ».
Quelle curieuse communication politique. Pourquoi cette formule négative ? Il aurait pu dire “La transition énergétique, que mon gouvernement veut engager, sera la source de notre compétitivité” et pourquoi le sera-elle ? Parce que la compétitivité de nos entreprises en France, en Europe et à l’international résultera de la transition énergétique et de l’ensemble des activités associées aux objectifs de développement durable. Il aurait pu citer les travaux de Jérémy Rifkin et consorts, projeter avec exemples à l’appui ce parterre de patrons vers l’économie de demain qui peine en pleine crise à exhiber ses atouts. Rien de tout cela. Tout juste la confirmation d’un doublement du plafond du livret de développement durable et des considérations plus évasives sur le rôle de la Banque publique d’investissement, la réforme des modes de financement des exportations ou l’implication des territoires… En mettant l’accent sur le rôle des territoires, le Premier ministre anticipe l’un des grands enjeux de cette conférence environnementale. Parions que son succès reposera en grande partie sur l’appropriation par les territoires de leurs enjeux du développement durable. Et là… pas sûr que nous soyons plus rassurés !
Faut-il rappeler combien les pratiques d’achat public les ignorent encore largement. Prenons la fourniture de granit utilisé dans nombre d’infrastructures. Le chantier du tramway de Brest, celui de Tours, l’esplanade de la gare de Rennes, la rue Alsace-Lorraine à Toulouse ou encore… la place Royale à Nantes. Toutes ces opérations d’achat public ont cédé aux sirènes du granit chinois 30% moins cher. Dans tous les cas, c’est le même discours : « nous sommes contraints par le Code des marchés publics ». C’est aussi ce qu’affirme Jean-Paul Huchon pour justifier l’octroie cet été par la STIF de son marché de centre d’appels à une société basée au Maroc. C’est non seulement juridiquement inexact puisque le Code des marchés publics offre maintes solutions, certes plus complexes, mais c’est surtout la démonstration d’un manque d’audace et de volonté politique. Signalons la récente parution du Guide sur les achats publics équitables (Ministère de l’économie et des finances, juillet 2012)
Nulle question de protectionnisme ici : le développement durable figure à l’article 5 du Code des marchés publics et continue depuis 2006 de faire de la figuration. En 2010, 2,5% des marchés publics seulement comportaient une clause sociale, et 5,1% une clause environnementale. Evidemment personne n’imagine une relance reposant sur les seuls marchés publics (10% du PIB tout de même) !
Mais si le représentant d’un Etat qui se veut stratège n’est pas en mesure d’exprimer les enjeux et les opportunités économiques du développement durable, comment reprocher à certaines entreprises d’y aller à reculons ?
Si Jean-Marc Ayrault n’est pas convaincu des bienfaits économiques du développement durable, le Premier Ministre, dans la conduite de sa politique, est tenu par les engagements internationaux du pays qui associent rigueur budgétaire (UE) et développement durable (UE et Rio+20).
La conférence qui se tient les 14 et 15 septembre s’annonce mal, mais nous ne sommes jamais à l’abri de fulgurances ! Le monde d’après c’est maintenant ?
Yann Queinnec