À BAS LA PRESSE BOURGEOISE ! Deux siècles de critique anticapitaliste des médias. De 1836 à nos jours

L’ouvrage de Dominique Pinsolle, professeur d’histoire à l’Université de Bordeaux, consacré à ce qu’il appelle la « critique anticapitaliste » des médias, mérite la lecture pour plusieurs raisons. C’est tout d’abord une synthèse utile des grands travaux sur l’histoire de la presse française, qui fait fonds sur les ouvrages de Jean-Yves Mollier et de Marc Martin, entre beaucoup d’autres (tous dûment cités en bibliographie), pour donner en deux cents pages ce qu’ont été les grandes étapes économiques et politiques du secteur. Lire plus

Béatrice, la femme-homard

La soirée du réveillon s’était bien passée, sauf pour Béatrice, la femme-homard qu’on n’avait pu se résoudre à consommer. Ma grand-mère l’avait trouvée au marché, trois années auparavant. Intriguée par sa forme vaguement humaine, enfantine, elle l’avait épargnée. Une anomalie avait dû lui donner un semblant de peau ; la génétique a ses mystères. Au bout de quelques jours, oubliée dans le bac du frigidaire, Béatrice s’était mise à ressembler à une petite fille, à cela près qu’elle avait une queue de homard et que sous la peau, on devinait la forme d’une carapace. Béatrice avait peu de cheveux, mais Grand-Mère … Lire plus

La concentration dans le monde du livre

C’est un livre bref mais touffu que publie Jean-Yves Mollier, l’historien bien connu de la Presse et de l’Edition. La concentration en cours dans le monde du livre, et l’on pense au rapprochement chaotique d’Editis et du groupe Hachette, choque à très juste titre aujourd’hui, mais elle fait oublier que la concentration n’est pas un phénomène nouveau dans ce secteur industriel. Depuis la fin du XIXème siècle, les maisons d’édition se rapprochent les unes des autres, s’absorbent, dans des processus de concentration horizontale (on rachète son concurrent) ou de concentration verticale (on rachète une société de distribution, un réseau de … Lire plus

Retour à Séoul

C’est un film attachant que donne Davy Chou avec ce Retour à Séoul, présenté à Cannes en mai dernier et sorti mercredi 27 janvier.

Une jeune fille d’origine coréenne, adoptée à la naissance par un couple français, se trouve, presque de façon fortuite, à passer deux semaines à Séoul. Elle en profite pour découvrir une vie coréenne à laquelle elle n’est pas préparée. La différence des cultures, des mœurs donne des scènes très heureuses, parfois drôles, par exemple quand grisée par l’alcool coréen, elle transforme un simple diner dans un restaurant en grande discussion avec tous les jeunes clients du lieu. Elle en profite surtout pour tenter de retrouver ses parents biologiques grâce au centre qui s’était occupé de son adoption. Le film, dans ce qu’il a de meilleur, est construit sur cette recherche, et les rencontres avec le père et sa famille, puis bien plus tard avec la mère sont fines et touchantes, jamais attendues. Lire plus

Le pèse-personne

Son médecin généraliste avait regardé ses analyses avec circonspection. Il le fit monter sur la balance. Une sorte de machine archaïque et grinçante en métal blanc, à la peinture écaillée. — Tu as pris un peu de poids, dis-donc. Six kilos depuis la dernière fois ! Lucas et son médecin se tutoyaient depuis une dizaine d’années. Le docteur Dubois, soixante-sept ans, avait vu les enfants grandir et partir de la maison. Il avait aussi suivi ses allergies au pollen, sa dépression pendant la crise de milieu de vie qu’ils avaient partagée, hors de toute déontologie. Lucas, avocat de profession, avait … Lire plus

La pharmacie en héritage

De ma mère, je dois l’avouer, j’ai hérité le goût des médicaments et de l’automédication – traits qu’on lui a souvent reprochés mais qui n’a été pour rien dans son décès. Les gens sont méchants. Je fais comme elle, qui ouvrait la pharmacie toujours bien remplie et examinait les échantillons que mon père médecin recevait des laboratoires. Elle lisait les notices, vérifiait l’organe, la fonction concernés, puis sans rien demander, et surtout pas à son mari, elle avalait le nombre de comprimés indiqués, parfois plus, au prétexte de se fortifier ou de prévenir une maladie. Sous son lit, de temps … Lire plus

Le retour de Francesco Jovine

Francesco Jovine avait disparu des lettres italo-françaises depuis vingt-cinq ans quand deux de mes étudiants, Coralie Gourdange et Piotr Verrezen, l’avaient remis à l’honneur en 2019 en publiant Les beaux rêves de Michele dans la revue Europe, traduction d’une de ses nouvelles tirée du recueil Ladro di galline (Voleur de poules), inédit en français. Sa dernière traduction remontait à l’an 1994 quand Fayard faisait paraître La maison des trois veuves. Sous ce titre était ainsi publié un recueil de nouvelles dans lequel l’auteur portait un regard enfin critique sur le fascisme qui, à ses débuts (ceux du fascisme et ceux du Jovine écrivain), ne l’avait pas laissé indifférent ou, dirait-on mieux, l’avait quelque peu intrigué. Lire plus

Je vous présente Brunet, un chat, et Imprenable, une souris

– Tu as pris Brunet ? avait demandé Riri, au moment de monter dans la voiture, à la domestique qui s’était installée dans le deuxième véhicule au milieu d’un amas de boîtes jaunes.

– Oui, avait répondu la domestique sans avoir bien compris la question, occupée comme elle l’était à se faufiler parmi tous ces bagages.

Les automobiles cessèrent tout à coup de pétarader et, après avoir bourdonné quelques secondes, elles démarrèrent.

Mademoiselle Riri s’était mariée ce jour-là et elle quittait l’agréable village de Raperonzoli, où elle était née, pour se rendre à Rome en compagnie de son jeune époux. Lire plus

Le temps qui dessaisit la justice – A propos de l’Eloge de la prescription de Marie Dosé

Le petit livre que vient de publier Marie Dosé, Eloge de la prescription, ne surprendra pas. Cette avocate pénaliste bien connue conteste le recul de la prescription et son discrédit public, faits marquants d’une évolution de la justice pénale en direction des victimes, longtemps reléguées aux marges des procédures et qui en deviennent le centre. On le sait, dans la procédure pénale contemporaine, la prescription est contestée en ce qu’elle offrirait aux auteurs de crimes et délits une échappatoire trop commode, et priverait les victimes d’un accès au tribunal qu’on ne saurait leur retirer. Lire plus

Gombrowicz ? Lire et relire

Le recueil Le Sain Esprit de contradiction n’est pas des plus faciles à caractériser, pas plus que ne l’est son auteur, Witold Gombrowicz. Une bonne partie de ses 29 sections est reprise des deux volumes de Varia publiés chez le même éditeur en 1978 et 1989 et qui ne sont apparemment plus disponibles à son catalogue. Le reste était paru dans divers périodiques ou demeurait inédit en français. Il ne s’agit pas d’une introduction à Gombrowicz : son théâtre est à peine évoqué, et de sa production romanesque de l’après-guerre, seul l’est Trans-Atlantique (1953), dont la pré-publication avait tant scandalisé les … Lire plus