Comment la gauche a perdu la raison

Jules Adler

L’évolution politique et intellectuelle (mais à gauche les deux sont souvent liées) d’une partie non négligeable de la gauche ne cesse de poser question. En effet, on n’est plus en présence d’idées qui peuvent être contestables mais qui sont assises sur un corpus doctrinal solide (comme l’était le marxisme) mais le plus souvent d’élucubrations pseudo-savantes, avec parfois des emprunts à des courants racialistes qui étaient, jusque-là, l’apanage de l’extrême droite.

Renaud Dély nous décrit tous les symptômes de cette dérive, et il le fait en homme de gauche mais en homme de gauche qui n’a pas renoncé à l’idée de progrès. Car c’est là la thèse de l’auteur : la gauche a renoncé à son héritage des lumières, elle a tourné le dos au progrès et à l’universalisme.


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Volodymyr Rafeyenko – Les Sept Ukropes

Pavel aimait son beau-père. Il l’avait toujours considéré comme son père. Matveï Ivanovitch était un homme solide, posé. Il faisait lui-même tous les petits travaux nécessaires dans la maison. Son arrivée dans la famille de Nina Ivanovna avait été une bénédiction du ciel. Elle n’aurait jamais pu, bien évidemment, subvenir toute seule aux besoins de son fils. Après la mort de son père, le grand-père de Pavel, qui les avait toujours aidés avec de l’argent ou des vivres, elle fut un temps au désespoir. Elle avait deux boulots, mais manquait toujours d’argent. Or Pachka, enfant, était maladif, il avait besoin d’être correctement nourri. Surgi des ténèbres de la mine, Matveï se prit d’affection pour le gamin et sut conquérir son cœur.

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« Les Murs Blancs » – Réflexions sur un courant de pensée disparu

Etrange livre en vérité que ces « Murs Blancs » ! On peut d’abord ne retenir de ce récit que la fascinante relation d’une tentative de vie commune (toute relative d’ailleurs) d’une poignée d’intellectuels réunis autour d’Emmanuel Mounier pour créer un lieu de vie personnaliste. Les auteurs, année après année, nous relatent les hauts et les bas de ce fameux bâtiment, les grands moments qui débordent ce seul cadre local et irriguent la vie intellectuelle du pays, mais aussi les problèmes quotidiens, les inimitiés qui ponctuèrent aussi la vie aux Murs Blancs. Le miracle, si l’on peut dire, est, que malgré des relations … Lire plus

Comment voir le dernier Woody Allen ?

Rifkin’s Festival ne se laisse ranger ni parmi les grands Woody Allen,  ni parmi les petits Woody Allen, dans cet exercice annuel de répartition que permet une filmographie abondante et inégale. Rifkin’s Festival est une dernière révérence qui signale la fin d’une carrière, et une fin qui laisse transparaitre la fatigue et l’amertume. Ce film tourné avant la pandémie n’est pas officiellement le dernier du cinéaste, puisque on annonce un nouveau film tourné cette fois à Paris, mais il est difficile d’imaginer ce que Woody Allen pourrait encore donner. Woody Allen s’est choisi en Wallace Shawn, l’acteur qui joue le rôle de Mort Rifkin qu’il se serait attribué autrefois mais que l’âge ne lui permet plus de tenir, un alter ego commode – non qu’il lui ressemble mais ils partagent tous deux la même allure discrète et ce charme qui vient ou plutôt venait, c’est tout le film, de l’esprit et du brio verbal plus que du  physique. Cet alter ego, Mort Rifkin, suit sa femme, attachée de presse, au Festival de cinéma de San Sebastian où sa qualité de critique de cinéma reconnu lui vaut une certaine aura. Lire plus

E-1027 d’Isabelle Boccon-Gibod

E-1027 – l’intitulé de la série de photographies d’Isabelle Boccon-Gibod, présentée en ce moment rue de Savoie à la Galerie Le salon H, pourra déconcerter ceux qui ne connaissent pas la maison éponyme que la designer et architecte irlandaise Eileen Gray bâtit, avec son ami et amant, Jean Badovici, entre 1926 et 1929. Une perle unique d’architecture moderne, qui vient d’être restaurée, grâce au mécénat d’un riche industriel anglais, après une longue campagne de travaux. Donnons sans tarder la solution de l’énigme : E comme Eileen, 10 pour le J de Jean (dixième lettre de l’alphabet), 2 pour le B … Lire plus

L’objectivité, d’August Sander au selfie

Souvent chez moi, une exposition si riche soit-elle, laisse dans le souvenir, non pas les chefs d’œuvre ou les moments de haute intensité, en général dûment signalés par une signalétique savante, mais un truc un peu périphérique, un détail sur une toile, un objet, un à-côté. Je musarde en distrait, et je prends ce que mon attention vagabonde peut attraper. L’exposition, si stimulante, présentée au Centre Pompidou – Allemagne années 20, Nouvelle Objectivité, August Sander -, ne fait pas exception. Et pourtant combien de chefs d’œuvres ! A commencer par les fascinants portraits, réalisés par August Sander, poursuivant le projet un … Lire plus

De Claudio Monteverdi à Claude Debussy

Avez-vous déjà essayé de chanter en pleurant ? C’est cette insoluble équation que tente de résoudre Claudio Monteverdi (1567-1643) quand il compose ses madrigaux, publiés entre 1587 et 1651 – le dernier l’ayant été après sa mort. Grâce à la musique, le maître parvient toutefois à transgresser cette impossibilité par le langage symbolique de l’art et au moyen de la métaphore. Cet effet nous est parfaitement rendu par la Compagnia Del Madrigale1Rossana Bertini, soprano. Francesca Cassinari, soprano. Elena Carzaniga, alto. Giuseppe Maletto, ténor. Raffaele Giordani, ténor. Daniele Carnovich, basse. Matteo Bellotto, basse., l’un des ensembles de musique vocale les plus … Lire plus

Frère et Sœur d’Arnaud Desplechin

C’est un film désolant que donne Arnaud Desplechin, pourtant l’un des cinéastes les plus doués de sa génération avec Jacques Audiard et Philippe Faucon. Une sœur déteste son frère au point de ne plus vouloir le rencontrer quand leur deux parents sont victimes d’un accident et finissent à l’hôpital. Elle le hait. Alice, jouée par Marion Cotillard (excellente), est une actrice de théâtre célèbre qui a toujours fait l’admiration de ses parents. Louis, son cadet (Melvil Poupaud, jamais loin du sur-régime), est un écrivain qui a connu le succès sur le tard, et qui s’en prend littérairement à sa sœur, dans … Lire plus

Faut-il encore lire Louis Dumont ? Holisme, individualisme et démocratie

L’œuvre de Louis Dumont (1911-1998) demeure largement méconnue hors de l’anthropologie et des études indianistes, malgré son ampleur et son intérêt, et ce, en dépit des efforts du philosophe Vincent Descombes et de sociologues proches de ses travaux, comme Irène Théry ou Alain Ehrenberg. Pourtant, le «holisme méthodologique» de Dumont, porté par certains concepts spécifiques comme «hiérarchie de valeur», «totalité» ou «individualisme», contribue à porter un regard original sur l’idéologie moderne dans son ensemble, et la démocratie libérale en particulier. Lire plus

En écho, Nino Rota et Serge Prokofiev

Cet automne, faites entrer Nino Rota (1911-1979) dans votre salon ! Non pas sur votre téléviseur – nous ne parlerons pas ici des innombrables chefs-d’œuvre du cinéma italien dont il a composé la musique – mais dans vos enceintes, grâce à l’album Nino Rota : Chamber Music, publié en juillet sur le label Alpha. Musiciens prolifique, avec environ 170 films, 4 symphonies, 11 opéras et 9 concertos, Nino Rota ne fut pas seulement le collaborateur de Federico Fellini mais aussi un grand compositeur du XXème siècle. Parmi ses créations, la musique de chambre a toujours occupé une place à part puisqu’il … Lire plus