Manuel Valls ? Un sacré problème de jugement

Ces deux dernières années, malgré de vraies qualités, Manuel Valls a surpris par son manque de jugement.  Gérant mal des réformes mal conçues, solidaire d’un président qui a rarement su dépasser la tactique électorale, candidat à une primaire où il ne pouvait pas gagner, se positionnant à cette occasion en rassembleur et garant de l’unité socialiste dans un contre-emploi qui ne lui a fait gagner aucune voix… Bref, beaucoup d’erreurs d’appréciation en peu de temps.

Il en commet une autre en ne rejoignant pas Emmanuel Macron. Si lui et ce qu’il représente au PS se rangent effectivement derrière Benoît Hamon au nom des règles de la primaire et surtout au nom de l’unité du parti, il est bien possible que Hamon arrive second au premier tour des présidentielles, puisque la première place du Front national paraît malheureusement assurée. Il suffirait que Fillon reste au niveau où il est et que Bayrou, se présentant, soustraie 4 à 5 % décisifs à Macron. Or, un Le Pen / Hamon au second tour, c’est le scénario catastrophe : une crypto-fasciste contre un pion de collège qui vient d’ouvrir Alternatives Économiques. Et nous risquons de finir en mai avec le Front national à l’Élysée.

Valls aurait une responsabilité particulière dans ce désastre : depuis le temps qu’il défend, à raison, la thèse des deux gauches irréconciliables, il sait bien que Hamon, les Frondeurs, toute la gauche anti-libérale en fait sont inaptes à l’exercice du pouvoir, faute de rien comprendre au monde.  L’équipe de campagne de Benoît Hamon, apprend-t-on cette semaine,  est animée par l’économiste Piketty, qui a conseillé Jeremy Corbyn1, ce stratège du socialisme, et par une sociologue qui croit aux 32 heures… La fine équipe. Contre Le Pen, Hamon aura bien du mal à gagner, faute de réflexe républicain à droite, faute de crédibilité personnelle, faute d’un programme sérieux. En le soutenant, la gauche de gouvernement se saborde, ce qui n’est pas grave, et prend le risque de laisser élire Le Pen junior, ce qu’on lui reprochera longtemps.

La gauche de gouvernement, après avoir raté un quinquennat, saboterait ainsi la vie politique française, comme en novembre 1942, la Marine a coulé ses vaisseaux en rade de Toulon, croyant bien faire, au lieu de rallier l’Angleterre : manque de jugement et manque de courage.

Rageant

Ce qu’Emmanuel Macron tente de faire à sa façon baroque, soit recomposer la politique française en redéfinissant le clivage gauche/droite, Valls en avait rêvé, il l’avait annoncé ;  mais Valls n’a jamais eu le courage d’aller au fond de son idée. Il faut faire la part des querelles de personnes, des jalousies, bien sûr, mais il serait rageant que Valls contribue à tuer ce qui est au fond le souhait d’une partie du pays, et qui n’a jamais paru aussi possible compte tenu du discrédit du Parti socialiste et de la droite conservatrice.

Certes, no siempre lo peor es cierto, comme l’on dit en espagnol.

Serge Soudray

Notes

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1Th. Piketty vient de s’illustrer en demandant qu’on crée une assemblée de l’euro, où il aura certainement le plaisir de siéger seul avec le gouvernement grec.
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