Comment finir dans la dignité (pari pour 2017)

La Tour, Le tricheur

Dans notre dernier numéro, nous avions parié que François Hollande finirait par comprendre, à la fin de l’automne, que sa candidature aux présidentielles de 2017 serait tout bonnement incongrue. Comment se présenter quand on laisse un chômage plus important qu’au moment de son élection, quand on a perdu sa base électorale d’origine et que l’on est abandonné par toutes les composantes de sa majorité (symbolisées par Montebourg, Macron, les Verts, Hamon, Taubira…) ? Cette candidature, personne ne la souhaite, même à gauche, et elle lui garantit de rester dans l’histoire de la Vème République comme le président qui n’a même pas atteint le deuxième tour- soit pire que Jospin, dont la défaite de 2002 est surtout l’effet d’un mauvais concours de circonstances. Aux primaires de gauche, la défaite est même possible, ce qui serait le comble de l’humiliation.

Tactique

Le plan de bataille était clair : Sarkozy candidat de la droite allait provoquer un mouvement de coalition de la gauche unie et du centre, et le réflexe de se regrouper derrière une candidature raisonnable…Mais la gauche au sens large a éclaté ; ses candidats seront au moins deux, peut-être trois, voire quatre. La fragmentation rend impossible une qualification pour le second tour. Et puis ce réflexe suppose que Sarkozy remporte les primaires de droite et que l’anti-sarkozysme demeure aussi puissant et moteur qu’en 2012 – deux conditions qui ne vont pas de soi. D’autant qu’une fois désigné, à Dieu ne plaise, Sarkozy sera assez malin pour se recentrer, en appeler aux valeurs de la République et du Gaullisme, s’intéresser aux banlieues et à la diversité, la main sur le cœur… Fregoli, Scapin, Sganarelle.

Ite missa est

Nous avions parié sur la fin de l’automne, quand la primaire de droite se sera achevée et que Hillary Clinton aura été élue (espérons-le). Ce sera le moment pour François Hollande d’annoncer son retrait, et avec l’appui de Martine Aubry dont il s’est étrangement rapproché ces derniers temps, de suggérer une candidature de la gauche unie en la personne du Maire de Paris, la si peu charismatique Anne Hidalgo1.

Avant ces deux événements, pense-t-il probablement, il est trop tôt pour annoncer un retrait : un nouveau concours de circonstances, heureux celui-là, est toujours imaginable, et il faut être prêt à exploiter l’occasion – d’où cette façon de paraître s’entêter, d’être sourd et aveugle aux signaux d’alerte qui viennent des journaux et des sondages.  Mais en secret, dans le for intérieur, le constat est certainement déjà fait. A moins d’un alignement exceptionnel des astres, la messe est dite. Il faudra donc bien en finir, et de préférence avec le souci de l’histoire. Réunir la gauche, promouvoir une femme, ce serait le moyen d’en finir dans la dignité. Ce serait un geste honorable, même si le résultat des élections ne change pas pour autant. Certes, il faut que l’intéressée se prête au jeu.  Le pari, c’est qu’il s’agit du scénario programmé pour la mi-décembre, en secret et sans joie, par l’actuel président.

Anne Hidalgo fait la couverture de Society, cette semaine (1er octobre), et le premier cercle hollandais, apprenant que Montebourg se présentera aux primaires socialistes en janvier, laisse entendre que Hollande pourrait renoncer.  Les choses se mettent en place

Bon… Le problème des paris, outre qu’ils exposent au ridicule si l’on perd, c’est qu’il faut trouver d’autres parieurs pour qu’il y ait une mise. Or aujourd’hui, personne ne risquera un kopeck sur le comportement de François Hollande et ses manœuvres tactiques. Tout le monde s’en fiche, hors l’intéressé et son premier cercle. Le pays veut passer à autre chose.

Cette fin est triste. Elle est un peu injuste ; elle n’est pas imméritée. On pense à Ionesco, Le roi se meurt.

Un peu de dignité serait bienvenue.

Serge Soudray

Notes

Notes
1Le Maire de Paris est au point d’intersection de presque toutes les fractions de la gauche et de l’écologie, c’est une femme, et puis désigner une inspectrice du travail, ce sera comme faire un signe de croix devant les fidèles, aliénés par la Loi Travail, et montrer qu’on a encore la foi. Présenter Macron, c’était le procès en apostasie. Valls s’est carbonisé lui-même, malheureusement, et de toute façon, il ne fédérerait pas grand monde.
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