Juifs français : halte

Nous venons de recevoir de la part de M. Samuel Bronstein, Fondation Rothschild, chambre 505, qui est le grand oncle de l’un de nos auteurs, la lettre suivante que nous publions in extenso malgré sa brutalité qui pourra choquer certains de nos lecteurs — La rédaction.

Disons-le tout net : les juifs français qui quittent la France pour Israël, effrayés par la hargne antisémite de certains secteurs minoritaires de la société française, sont des lâches. Ils donnent aux nazis et aux Darquier de Pellepoix de toutes sortes une victoire posthume que l’histoire leur avait refusée. Ils insultent tous les juifs qui, à cette époque-là, ont rejoint la France Libre ou la Résistance. On leur recommandera sur ce point la lecture du Dictionnaire de la France Libre (éditions Robert Laffont, collection Bouquins).

Pour les juifs pieds-noirs qui, dans les années 60, sont venus en France sous la contrainte, confrontés à l’alternative de la valise ou du cercueil, le départ pour Israël pourrait peut-être se comprendre (et encore !), pour ceux du moins dont l’enracinement national est l’effet d’un choix par défaut – comme il peut se comprendre pour ceux dont la foi religieuse, la mystique conduisent nécessairement en Israël, et qui s’y seraient rendus si même l’Etat d’Israël n’existait pas.

Pour les autres, il faut parler de défection.

Quelles raisons pourraient-ils avoir ? Le comportement de certains “beurs de banlieue”, l’antisémitisme au quotidien ? Ce racisme est malheureusement présent, c’est indubitable. Mais il ne résume pas la situation. Hors ce segment de la population, l’antisémitisme est en déclin prononcé.

Les critiques en France de la politique israélienne ? Mais depuis quand et pourquoi faut-il que leur être profond s’anéantisse dans un soutien sans nuance ni condition (soit le contraire du sens critique qui fait partie de la culture juive) à la politique de la droite israélienne ? Que leur importe, s’agissant de leur vie en France, que l’on conteste la politique de cette droite israélienne ? Elle n’est pas au dessus de la contestation, aussi mal intentionnées seraient les critiques, et ces critiques de toute façon n’ont rien qui rendent impossible une vie concrète, pratique, quotidienne – sauf à rechercher à tous les moments de l’existence l’unanimité du groupe et la chaleur de la masse, ce qui ne serait pas non plus conforme à la tradition juive.

Le danger, les Kouachi présents et à venir ? Et alors ? Petite bière par rapport à ce qui se produisait dans les années 40.

Manque de jugement et  défection (la bienveillance nous fera éviter de répéter le mot “lâcheté”) – voilà ce que nous avons aujourd’hui sous les yeux. La raison doit l’emporter sur la peur.

S. Bronstein

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